Accès au logement social et aux crèches municipales à Paris.

Courrier au Préfet de Paris et d’IDF

Demande de contrôle de la légalité des dispositions prises par la mairie de
Paris en matière d’accès au logement social et aux crèches municipales.

Monsieur le Préfet,

Par une dépêche de l’Agence France Presse en date du 4 octobre  2023, nous apprenons que la mairie de Paris entend «limiter la crise d’attractivité» de la fonction publique par un panel de mesures améliorant les conditions de vie de ses employés dans plusieurs métiers en tension, grâce notamment à un pacte autour du logement social.

En échange de l’engagement d’attribuer 25% de leur contingent de logements sociaux aux agents municipaux et de leur faciliter l’accès aux crèches, les mairies d’arrondissement signataires doivent recevoir «prioritairement» de la Ville les nouvelles recrues dans les secteurs en tension, selon cet accord signé en marge du conseil municipal.

Par cet accord, la mairie espère obtenir «environ 200 logements supplémentaires chaque année» attribués à ses employés demandeurs, explique à l’AFP le cabinet d’Antoine Guillou, l’adjoint aux Ressources humaines qui a porté le projet. En 2022, 515 ont été attribués à des agents.

En tant qu’association de consommateurs agréée, ainsi qu’association de défense des locataires et des usagers des services publics, INDECOSA-CGT est indéfectiblement attachée au principe d’égalité républicaine bénéficiant à tou(te)s les citoyen(ne)s dans l’accès aux services municipaux à Paris et dans toutes les communes de France.

De toute évidence, la mairie de Paris confrontée à une crise de recrutement due principalement à la faiblesse des salaires proposés, ne souhaite pas revaloriser substantiellement la situation matérielle et financière de ses agents. Aussi, elle entend privilégier une forme d’ instrumentalisation des conditions d’accès aux logements sociaux (dans la ville la plus chère de France et où le temps d’attente pour obtenir un logement social avoisine 10 ans) et aux crèches municipales qui offrent des places notoirement insuffisantes au regard des besoins de la population parisienne (dans certains arrondissements, 80% des demandes de crèches ne sont pas satisfaites).

Les dispositions envisagées, si elles sont mises en œuvre par la mairie de Paris, porteront atteinte aux droits et intérêts légitimes de tous les demandeurs de logements sociaux et de places en crèches municipales, à Paris, qui doivent être tous traités sur un pied d’égalité (indépendamment de leur appartenance ou non appartenance au personnel de la Ville de Paris). Nous estimons qu’il s’agirait là d’une discrimination manifeste préjudiciable aux droits de tous les parisiens et parisiennes que la mairie de Paris a pour tâche de servir.

De plus, la région Ile-de-France est la région qui reçoit le plus de demandes DALO. Selon les derniers chiffres, dont nous disposons, 74 000 ménages prioritaires demeurent sans solution à ce jour. Quel sera l’impact des mesures que souhaite prendre la mairie de Paris sur l’effectivité du droit au logement opposable – déjà très fragile-  dans la région Ile-de- France dont vous êtes le Préfet ? En tant que représentant de l’Etat, vous savez que ce dernier est régulièrement condamné si les ménages saisissent le tribunal administratif quand ils ne sont pas relogés.

Montant de l’ardoise en 2022 : 31 millions d’euros, reversés au Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), qui vise à accompagner les plus fragiles. Les ménages prioritaires non relogés peuvent aussi faire une demande d’indemnisation, pour eux, via un autre recours. Selon la Fondation Abbé Pierre, qui a compilé une centaine de décisions de justice, le montant à payer par l’Etat varie de 200 à 2 300 euros par membre du foyer et par an.

Dans ces conditions et conformément à vos prérogatives, vous comprendrez aisément que nous souhaitons que vous exerciez un contrôle de la légalité des dispositions prises par la Mairie de Paris. Ces dispositions, évoquées par l’AFP, n’ont pas été rendues publiques dans leur détail. Mais nous n’ignorons pas qu’en dehors de la liste des actes soumis à l’obligation de transmission par les collectivités territoriales, le Préfet peut demander communication des autres actes pris par les autorités communales à tout moment. Le cas échéant, il peut également déférer ces actes au tribunal administratif en cas d’illégalité dans un délai de deux mois à compter de la date de leur communication.

Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre très sincère considération

Loïc DAGUZAN
Président INDECOSA CGT Paris