Revues de presse et droits d’auteurs

Diffuser des textes d’auteurs est-il légal ?

 

La vie de citoyen interroge tous les champs de la vie quotidienne, autant dire que le nombre d’informations que le bénévole d’une association de consommateurs doit aborder est conséquent. Alors même que les textes évoluent vite, s’empilent, s’éparpillent, il y a une source qui permet de nourrir particulièrement les débats d’idée : ce sont les sujets d’actualité.

Suivre cette actualité est à la fois une nécessité pour une association de consommateurs, mais aussi une activité extrêmement chronophage. Il faut lire beaucoup, faire une veille quand le temps nous manque cruellement….

Heureusement, certains bénévoles s’emparent de cette mission pour concocter des « revues de presse » et les partager. Des revues qui seront relayées par courriels ou sur le site internet de l’association à l’intention des autres bénévoles, parfois des adhérents voire du public.

Mais pouvons-nous réaliser nos revues de presse et les diffuser sur nos réseaux quand tous ces textes ont des auteurs et ces auteurs des droits ?

 

La protection des droits d’auteur, qu’est-ce que c’est ?

 

C’est le code de la propriété intellectuelle (CPI) qui nous intéressera ici. Il dispose dès l’article L111-1 que « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ».  Les journalistes n’échappent pas à la règle.

En droit français, toute œuvre de l’esprit est protégée par le droit d’auteur à partir du moment où elle est originale. Or, un article de presse est bien une « œuvre de l’esprit » et elle est « originale » incontestablement. Le journaliste n’a pas besoin de déposer et de faire protéger ses écrits, ils le sont de droit. Il a donc le droit (moral) d’autoriser ou pas l’utilisation qui en sera faite, voire d’exiger une rémunération (droit patrimonial).

Impossible de compiler leurs articles publiés sans autorisation puisque « L’auteur seul a le droit de réunir ses articles […] en recueil et de les publier ou d’en autoriser la publication sous cette forme » ( article L. 121-8 du CPI) … « pour toutes les œuvres publiées dans un journal ou recueil périodique, l’auteur conserve, sauf stipulation contraire, le droit de les faire reproduire et de les exploiter, sous quelque forme que ce soit, pourvu que cette reproduction ou cette exploitation ne soit pas de nature à faire concurrence à ce journal ou à ce recueil périodique ».

Ainsi au-delà des journalistes vous devrez compter également avec les éditeurs, les journaux sont protégés.

Le principe est posé, les articles de presse ne devraient pas être copiés ni diffusés sans permission.

Mais existe-t-il des exceptions à la règle ?

 

Les exceptions à la règle

 

La réponse est oui, le principe comporte quelques exceptions, fixées de manière limitative par l’article L. 122-5 du CPI.

  • Ainsi « lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire … les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste... »
    Il est possible d’échanger des copies en « cercle fermé » mais cela signifie en famille, avec des amis… Un échange au sein d’une association, ce n’est pas la même chose. Faire circuler des copies d’articles de presse ou des copies de livres, même seulement en interne, n’est pas considéré comme un cercle fermé pour nous.
  • Autre exception à la protection des droits d’auteur, prévue par le code, celle de « courte citation ». Celle-là sera possible, vous pouvez procéder à des analyses d’articles et en reprendre quelques extraits, très courts mais pas plus.
    Mais reprendre un article entier, pas question. A nous de nous approprier les informations pour en faire à notre tour, des œuvres originales.
  • L’exception suivante est celle qui nous intéressera particulièrement, puisqu’elle cite nommément « les revues de presse » (article L122-5 3° b du code). Elle comporte des conditions pour que l’auteur ne puisse pas l’interdire « que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source ». Nos revues de presse seraient-elles autorisées alors puisqu’elles respectent toujours cette indication de la paternité ?
    La réponse est non. Car elles ne répondent pas à la définition du CPI.

 

Car c’est quoi, précisément, une revue de presse ?

 

Une « revue de presse » telle qu’elle est prévue par le code de la propriété intellectuelle est réservée aux journalistes.

Selon la définition qu’en a donné la Cour de Cassation (arrêt du 30 janvier 1978, cour criminelle), il faut entendre la « revue de presse » comme une présentation conjointe et par voie comparative de divers commentaires émanant de journalistes différents et concernant un même thème.

Lorsqu’une association compile des articles et les copie, les diffuse pour partager avec les autres, elle n’est pas dans l’exception à la règle. Si bien qu’on parlera ici d’un « panorama de presse » et non d’une « revue de presse ».

A partir de là, il vous faudra une autorisation pour diffuser votre travail de compilation des articles intéressant les autres bénévoles. Ne pas prendre cette précaution, c’est prendre le risque d’être poursuivis. Le fait qu’il ne soit pas question d’exploitation commerciale de l’œuvre, n’y change vraiment rien.

 

Quelles sanctions en cas de non-respect ?

 

Le CPI dispose que « Toute édition d’écrits, de dessin… ou de toute autre production, imprimée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit » ( article L 335-2 du CPI).

L’article 335-3 du CPI précise qu’est « également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi (…) ». Ce que sont nos revues de presse. Et les sanctions pour ce délit de contrefaçon peuvent être lourdes.

Des sanctions pénales : « la contrefaçon en France est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300.000 € d’amende. (Article L 335-2 du CPI).

Attention, les poursuites peuvent concerner celui qui produit la reproduction litigieuse mais aussi celui qui l’utilise. Et peu importe que la réalisation ait été faite de bonne foi… « la contrefaçon étant caractérisée, indépendamment de toute faute ou mauvaise foi, par la reproduction …d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés » (Cour de Cassation,1ère chambre civile, 29 mai 2001,n° 99-15. 15-284).

Mais aussi des sanctions civiles : le juge pouvant également accorder des dommages et intérêts à l’auteur en fonction de différents critères comme le manque à gagner ou le préjudice moral. (L 331-1-3 du CPI).

 

Mais que dire des liens hypertextes ?

 

Parfois, les panoramas de presse réalisés par les associations se limiteront à une liste assortie d’une courte présentation, avec renvoi sur un lien hypertexte. Le lecteur est invité à cliquer pour consulter l’article source.

Est-ce également périlleux ? Également interdit ? Le code de la propriété intellectuelle ne se prononce pas mais nous avons quelques éléments de jurisprudence. Et la réponse est non.

Tant que l’on cite l’auteur, la source mais à la condition de renvoyer sur un site « ouvert », c’est-à-dire en accès libre sur un autre site, ce n’est pas illégal.

Il en va différemment si vous avez souscrit un abonnement à une revue et que vous vouliez en faire profiter les autres. Vous ne devez consulter les documents que dans le cadre restreint du contrat passé. Vous êtes dans le cadre d’un usage privé (familial).

 

Alors quelles précautions prendre ?

 

Ne copiez pas d’articles de presse pour les mettre à disposition gratuitement des visiteurs de votre site internet. Jamais.

Si vous copiez des articles, composez des panoramas pour les échanger en intranet, internet, mails avec les autres bénévoles, adhérents.

Demandez l’autorisation à l’auteur, à l’éditeur. Et il conviendra de régler une redevance.

 

Connaissez-le-vous le CFC ?

 

Le Centre Français d’exploitation du droit de copie est un organisme qui gère pour le compte des auteurs et des éditeurs qui leur en confient la mission, les droits de copie papier et numériques de la presse et du livre. Cette société agréée par l’État peut vous autoriser à réaliser vos panoramas sur la base de contrats qui peuvent être très variés (car cela dépendra du nombre d’articles, du nombre de destinataires du panorama…)
Le CFC collectera les sommes pour les redistribuer. Une sorte d’équivalent de la SACEM pour les auteurs compositeurs et éditeurs de musique.
Attention, le CFC procède chaque année à des centaines de contrôles pour repérer les délits ! Il peut, comme les auteurs ou les éditeurs, faire des signalements à l’HADOPI, haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet. Une autorité indépendante pouvant envoyer des recommandations (rappel à la loi par courriel par exemple) qui vient de changer de nom.

1er janvier 2022 : l’HADOPI a fusionné avec le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) pour devenir l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique).

Petite mise en garde : si une association reçoit un courriel de « recommandation » de l’ARCOM à propos de contrefaçons repérées en ligne, évitez de cliquer sur un lien quelconque et ne faites jamais « répondre » pour faire des observations. Protégez-vous des arnaques (qui visent également les consommateurs). L’ARCOM met un « formulaire » de contact sur son site, à télécharger, utilisez-le ou écrivez à l’adresse suivante : Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, 39-43 Quai André Citroën,  75015 Paris

 

On résume : vous serez à l’abri des sanctions

 

• Si vous vous contentez de courtes citations d’articles,

• Si vous vous appropriez l’article pour le résumer ou l’analyser sans le copier purement et simplement,

• Si vous procédez par liens hypertextes vers des sites ouverts à la consultation,

• Ou en demandant l’autorisation de réaliser votre panorama et en réglant une redevance.

Indecosa CGT


Pour en savoir plus
:
Le site du Ministère de la Culture
Le site du CFC CFC | Centre Français d’exploitation du droit de Copie 
Le site de l’ARCOM

 

INFO Pratique N°16 – 20 avril 2022 – Revues de presse et droits d’auteurs.