Addiction à la malbouffe
LA CHRONIQUE SANTÉ DE
CHRISTOPHE PRUDHOMME
La France est aujourd’hui largement touchée par l’obésité liée à la malbouffe.
Le pourcentage de la population adulte concernée est passé de 8,5% en 1997 à 17% en 2020. Les aliments naturels n’entraînent pas de dépendance, contrairement à ceux qui sont transformés. Il s’agit du même phénomène que pour toutes les drogues. Les feuilles de coca mâchées traditionnellement n’entraînent pas de dépendance, mais la cocaïne si. La cause est connue : c’est l’ajout de fructose. Les industriels ajoutent massivement ce sucre pour compenser les graisses qui ont été diabolisées à tort. Mais le fructose – hormis celui des fruits – n’est pas bon pour l’organisme, car il est inutile pour son métabolisme. Il a, en revanche, des effets nocifs nombreux: capté par le foie, il participe à la formation de gras, entraînant ce qu’on appelle une stéatose, c’est-à-dire un foie gras. Il est nocif aussi pour le cerveau, car il active le phénomène de dépendance. Le problème est donc le remplacement de régimes trop gras par des régimes trop sucrés.
La responsabilité de l’industrie alimentaire est évidente. Car sa logique économique suppose une transformation des aliments, qui permet certes d’assurer une alimentation de masse, mais aussi de rendre attirant ce qui n’est pas bon, et bon marché ce qui rend malade. En quelques décennies, les industriels du secteur sont devenus les plus grands dealers de produits addictifs toxiques. Face à cela, les politiques de prévention sont totalement insuffisantes, car centrées sur les seuls consommateurs. Elles se déchargent sur eux de la responsabilité de protéger, alors qu’il faudrait s’attaquer aux risques engendrés par l’industrie. Les États ont commencé à s’attaquer aux risques chimiques traditionnels, mais ils laissent prospérer librement une offre très envahissante : 80% des aliments proposés dans les grandes surfaces sont ultratransformés. C’est un leurre de croire que les individus sont complètement libres de leur choix. Cette affirmation procède de l’idéologie libérale basée sur l’individualisme, qui se traduit par la maxime «Quand on veut, on peut». Ce qu’Emmanuel Macron a traduit lui-même par: «Il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi.» S’il faut continuer de sensibiliser la population, l’essentiel des mesures de prévention repose sur une diminution de l’offre, qui passe par la taxation et la régulation. Il faudrait ainsi un mécanisme d’autorisation de mise sur le marché comme pour les médicaments. Une autre piste est de rendre ces produits moins attractifs en réduisant le nombre de lieux où ils peuvent être vendus, et en agissant sur leurs emballages, à l’instar de ce qui a été fait pour le tabac.
Humanité du 23 mai 2023