Appel pour rendre le Nutri-Score obligatoire
Un collectif de scientifiques et professionnels de santé appelle le Premier Ministre
à rendre le Nutri-Score obligatoire.
Il s’agit d’une urgence de santé publique !
Suite à la tribune publiée le 25 octobre 2024 dans leMonde.fr “Monsieur le Premier Ministre, rendre le Nutri-Score obligatoire est une urgence de santé publique !“, un Collectif de professionnels de santé et de scientifiques travaillant dans le champ de la santé reprend et développe ce texte et apporte son soutien à cet Appel.
Destiné à être apposé en face avant des emballages alimentaires, le Nutri-Score est un système d’information nutritionnelle se présentant sous la forme d’un logo à 5 couleurs (doublées de 5 lettres), et qui, d’une façon simple, intuitive et compréhensible par tous, informe sur la qualité nutritionnelle globale des aliments : du vert/A (correspondant à la meilleure qualité nutritionnelle) au rouge/E (la moins bonne qualité nutritionnelle). Mis au point par des chercheurs scientifiques et universitaires de grands organismes publics et sans lien d’intérêt avec l’industrie agro-alimentaire, son objectif principal est de fournir aux consommateurs au moment de leur acte d’achat la possibilité de comparer d’un simple coup d’œil la qualité nutritionnelle des aliments dans un même rayon ou destiné au même usage, leur permettant d’orienter leurs choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle. De plus, Nutri-Score pousse les industriels de l’agro-alimentaire à améliorer la composition nutritionnelle des aliments qu’ils produisent au travers de reformulations et d’innovations afin de bénéficier d’un meilleur classement sur cette échelle (et au bénéfice des consommateurs). Nutri-Score représente un véritable outil de santé publique. Il s’appuie sur des bases scientifiques très solides dans sa conception et son mode de calcul et a été validé par plus d’une centaine d’études développées dans 20 pays qui ont permis de démontrer son intérêt et son efficacité pour améliorer les apports alimentaires des consommateurs dans un sens favorable à la santé. Entre autres, de nombreuses études épidémiologiques portant sur de larges populations incluant des dizaines de milliers de participants suivis de nombreuses années (jusqu’à 500 000 personnes suivies pendant une quinzaine d’années), ont montré que manger des aliments mieux classés sur l’échelle du Nutri-Score était associé à une réduction de risque de développer des maladies chroniques comme l’obésité, le diabète, certaines formes de cancer et les maladies cardiovasculaires et de réduire la mortalité. Bien sûr, le Nutri-Score ne va pas à lui seul résoudre tous les problèmes de nutrition de santé publique, mais les travaux scientifiques accumulés depuis plusieurs années démontrent qu’il peut contribuer à réduire le risque des pathologies chroniques qui constituent les enjeux majeurs de santé publique auxquels nous sommes confrontés en France, comme dans toute l’Europe, qui ont un cout humain, social et économique majeur. Une étude récente de chercheurs de l’OCDE a permis de calculer que la seule apposition du Nutri-Score dans les 27 pays européens permettrait d’éviter près de 2 millions de cas de maladies non transmissibles entre 2023 et 2050, de réduire significativement les dépenses annuelles de santé de l’ordre de 0,05 %, et d’améliorer l’emploi et la productivité dans l’Union Européenne avec un gain annuel de 10,6 équivalents temps plein pour 100 000 personnes en âge de travailler. Après 4 années de batailles violentes contre les puissants lobbys agro-alimentaires qui ont tout fait (ou presque) pour bloquer son adoption, retarder sa mise en place et le discréditer, avec la finalité de ne pas donner aux consommateurs une transparence sur la qualité nutritionnelle des aliments qu’ils produisent, Nutri-Score a finalement été adopté en France en 2017, certes sur une base volontaire, mais comme le logo d’information nutritionnelle officiel recommandé par les pouvoirs publics. Il a fait l’objet d’un arrêté ministériel signé par les ministres de la santé, de l’agriculture et de l’économie. Depuis il a été adopté dans 6 autres pays en Europe (Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse). Il faut rappeler que si aucun industriel ne le soutenait et n’acceptait de l’afficher lorsqu’il a été proposé par les scientifiques en 2014, et s’ils étaient 6 au moment de son officialisation en 2017, plus de 1400 marques l’ont adopté aujourd’hui (notamment sous la pression des consommateurs et compte-tenu de l’accumulation des données scientifiques le justifiant), ce qui représente environ 60 % du marché alimentaire français. Ceci constitue un succès et une première étape clé pour la santé publique. Mais de grands groupes agro-alimentaires le refusent et le combattent depuis de nombreuses années (comme Ferrero, Coca-Cola, Mars, Lactalis, Mondelez, Kraft, les producteurs de charcuteries et de fromages…) et certains (comme Danone et Bjorg) qui l’avaient adopté ont décidé récemment de le supprimer sur certaines de leurs marques pour préserver leurs intérêts économiques (non satisfaits par sa mise à jour qui le rend légitimement plus strict pour un certain nombre de produits). Or pour être efficace de façon optimale et pleinement utile aux consommateurs, le Nutri-Score doit être présent sur tous les emballages des aliments. Ce n’est pas le cas aujourd’hui en raison d’une réglementation européenne sur l’information des consommateurs mise en place en 2011 (et poussée à l’époque par les lobbys agro-alimentaires) qui empêche les Etats-membres de rendre obligatoire l’apposition d’un logo nutritionnel synthétique sur la face avant des emballages des aliments. L’affichage du Nutri-score dépend donc aujourd’hui de la bonne volonté de chaque industriel. Cette situation permet donc à des entreprises peu vertueuses ne pas l’afficher. Cela a des conséquences réelles en termes de santé publique dans un contexte sanitaire ou un adulte français sur deux est en surpoids, où la pandémie d’obésité progresse, où l’on pourrait éviter 40-50% des cancers en modifiant son mode de vie, notamment en améliorant les apports alimentaires…. L’absence de transparence nutritionnelle sur l’ensemble des aliments constitue une vraie perte de chances pour les consommateurs et leur santé qui ne disposent pas d’une information rapidement accessible et compréhensible sur la qualité nutritionnelle globale des aliments mis à leur disposition. En l’absence de ces informations, leurs choix sont pour beaucoup poussés en grande partie par les éléments de marketing (publicité, promotion, emballage, prix, …), qui généralement ne vont pas dans le sens de l’intérêt de leur santé. En 2021 un grand espoir est né avec l’annonce faite par la Commission européenne (CE) que, dans le cadre de sa stratégie « De la ferme à la fourchette », serait sélectionné avant fin 2022 un logo nutritionnel unique et obligatoire pour l’Europe. Compte-tenu de ses bases scientifiques, des travaux de recherche ayant validé son algorithme de calcul et son format graphique (dont le rapport récent du Joint Research Center, l’organisme de recherche de la CE), le soutien de la communauté scientifique européenne et des associations de consommateurs (dont le BEUC qui regroupe en Europe 43 associations de consommateurs), les résultats favorables de la consultation publique lancée par la CE et son adoption officielle dans 7 pays en Europe, Nutri-Score apparaissait clairement comme l’option la plus crédible. Mais la perspective qu’un logo nutritionnel devienne obligatoire pour l’ensemble des pays européens, et que ce soit le Nutri-Score qui soit choisi a réveillé les lobbys qui se sont mobilisés pour faire pression sur les instances de décision européennes : d’une part les grandes entreprises alimentaires qui s’opposent depuis toujours à son implémentation (comme Ferrero, Lactalis, Coca-Cola, Mars, Mondelez…) et d’autre part les secteurs agricoles des produits laitiers, de la viande et des charcuteries et leur puissante représentation européenne COPA-COGECA. Les actions de lobbying de ces acteurs ont été relayées au niveau des instances européennes par divers partis politiques et des politiciens qui leur sont proches, et surtout par le gouvernement italien, particulièrement depuis l’arrivée au pouvoir de Mme Giorgia Meloni, qui instrumentalise Nutri-Score comme un complot de l’Europe contre les produits “Made in Italy” (en sachant que Ferrero et les grands groupes industriels qui produisent des fromages et des charcuteries sont à la manœuvre, et non pas les petits producteurs, comme ils essayent de le mettre en avant). Et pour retarder la décision de la commission européenne et surtout bloquer le choix du Nutri-Score, le gouvernement de Mme Meloni s’est lancé dans une vaste campagne de fake news et a même proposé comme alternative son propre logo (Nutrinform) très proche du modèle des industriels lancé dans les années 2000 et qui ne repose pas sur un réel support scientifique. Bien que ce lobbying s’appuie sur des arguments absurdes, il semble avoir été suffisamment efficace pour amener la CE à ne pas tenir ses engagements par rapport à la réglementation européenne sur l’étiquetage nutritionnel des aliments. En cette fin 2024, la CE n’a toujours pas pris sa décision et les déclarations de certains de ses représentants ces derniers mois laissent même entendre que la Commission pourrait finalement ne pas retenir le Nutri-Score comme logo nutritionnel obligatoire pour l’Europe, considérant qu’il est trop « polarisant ». Aucun argument scientifique ou de santé publique ne vient justifier cette position si ce n’est une raison fallacieuse : Nutri-Score ne serait pas acceptable uniquement du fait qu’il suscite l’opposition de certains groupes économiques et politiques. La CE parle d’une situation “complexe”, alors qu’il est notoire que son hésitation est liée aux pressions des lobbys et notamment à l’opposition violente de l’Italie, qui défend les intérêts commerciaux de certains de ses secteurs agroalimentaires. La CE tient donc un discours inquiétant, niant les preuves scientifiques concernant l’utilité d’un logo nutritionnel harmonisé dans le contexte européen et les travaux démontrant l’efficacité du Nutri-Score pour la santé des consommateurs. Face à cette situation dans laquelle la CE plie devant les lobbys agro-alimentaires et leurs relais politiques et ne prend pas ses responsabilités concernant la protection de la santé des consommateurs européens, nous appelons le Premier Ministre à prendre la décision historique de rendre obligatoire l’affichage du Nutri-Score en France (et en stimulant la même position pour les 7 autres pays qui ont adopté Nutri-Score et qui sont regroupés depuis 2021 dans la gouvernance transnationale du Nutri-Score) sur tous les aliments mis à la disposition des consommateurs, au nom de la défense de la santé de la population française. Nutri-Score est un réel outil de santé publique performant, récemment mis à jour par un comité d’experts européens qui a démontré son intérêt et son efficacité en termes de prévention des maladies chroniques mais aussi son impact économique et social. Le fait de ne pas rendre obligatoire le Nutri-Score constitue une perte de chance inacceptable pour les citoyens. Et au-delà d’être une réelle urgence de santé publique toutes les enquêtes démontrent qu’il s’agit également d’une demande sociétale forte. Cette décision historique viendrait aussi enrichir les réflexions du « Nutrition for Growth Summit » que la France accueillera en en mars 2025, notamment le fait que la mise en place du Nutri-Score sous forme obligatoire, outre sa capacité d’améliorer la santé publique pourrait aussi devenir un outil puissant pour suivre l’engagement réel des entreprises dans l’amélioration de la qualité nutritionnelle de leur produit. Enfin, Monsieur le Premier Ministre, la France qui est à l’origine du Nutri-Score, face aux attaques de certains industriels et de certains gouvernements, se doit d’être très pro-active au niveau de la Commission européenne pour soutenir sans aucune ambiguïté cet outil de santé publique comme le logo nutritionnel unique et obligatoire pour toute l’Europe, tout en se positionnant très clairement pour empêcher que les lobbys continuent à peser pour bloquer sa généralisation sous forme obligatoire. La santé publique avant tout !
A ce jour 1142 professionnels de santé et scientifiques travaillant dans le champ de la santé, regroupés dans le Collectif ont apporté leur soutien à cet appel au Premier ministre pour rendre le Nutri-Score obligatoire. |