Contamination au mercure

BLOOM révèle un scandale de santé publique
d’une ampleur inédite

 

Du mercure dans chaque boîte de thon : c’est la découverte alarmante qu’a faite BLOOM en analysant près de 150 conserves prélevées dans cinq pays européens. Considéré par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme l’une des dix substances chimiques les plus préoccupantes pour la santé publique mondiale, au même titre que l’amiante ou l’arsenic, ce neurotoxique présente des risques graves pour l’organisme humain.

Après 18 mois d’enquête, BLOOM révèle dans un rapport exclusif comment, depuis les années 1970, les autorités publiques et le puissant lobby thonier ont sciemment choisi de privilégier les intérêts économiques de la pêche industrielle thonière au détriment de la santé de centaines de millions de consommateurs et consommatrices de thon en Europe. Ce lobbying cynique s’est traduit par la fixation d’un seuil “acceptable” de mercure trois fois plus élevé pour le thon que pour d’autres espèces de poissons telles que le cabillaud, sans qu’il n’existe la moindre justification sanitaire pour un seuil différencié (2). La contamination autorisée en mercure dans le thon n’a pas été fixée arbitrairement : elle correspond aux niveaux de contaminations les plus hauts que l’on trouve dans le thon. En d’autres termes, le seuil de dangerosité n’a pas été fixé dans l’objectif de protéger la santé humaine mais uniquement les intérêts financiers de l’industrie thonière. Les seuils, tels que fixés par les pouvoirs publics en complicité avec le lobby thonier, génèrent ainsi une contamination généralisée des populations avec des conséquences potentiellement graves pour la santé.

Le mercure, un poison extrêmement dangereux

Rappelons pour commencer que le mercure, dont les émissions mondiales ont fortement augmenté depuis deux siècles, se retrouve en grande quantité dans l’océan. Il s’accumule dans les poissons sous sa forme la plus toxique, le méthylmercure, finissant dans les rayons puis les assiettes de millions de familles. Le thon, en tant que prédateur situé au sommet de la chaîne alimentaire, accumule les métaux lourds de ses proies et présente ainsi une contamination décuplée en mercure par rapport à de plus petites espèces.

Le thon est le poisson le plus vendu en Europe. En France, on en consomme en moyenne 4,9 kg par personne par an (en équivalent poids vif). L’ingestion régulière de méthylmercure représente pourtant – même en faibles quantités – un grave danger pour la santé, en particulier (mais pas uniquement) pour le développement cérébral des fœtus et des jeunes enfants.

100% des boîtes de conserve testées par BLOOM sont contaminées au mercure

BLOOM a sélectionné aléatoirement 148 boîtes de conserve dans cinq pays européens (Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie) et les a fait tester par un laboratoire indépendant :  100% des boîtes sont contaminées au mercure. Plus d’une boîte testée sur deux (57%) dépasse la limite maximale en mercure la plus stricte définie pour les poissons (0,3 mg/kg). Sur les 148 boîtes, une boîte de la marque Petit Navire achetée dans un Carrefour City parisien affiche une teneur record de 3,9 mg/kg, c’est-à-dire 13 fois plus élevée que celle des espèces soumises à la norme la plus restrictive de 0,3 mg/kg. En raison des dangers posés par une ingestion régulière de mercure, même à faibles doses, l’ensemble des boîtes de conserve dépassant la norme de 0,3 mg/kg devraient être interdites à la vente. Ce n’est pas le cas.

Des simulacres de normes sanitaires pour maximiser la vente de produits contaminés

BLOOM a analysé in extenso l’ensemble des documents officiels provenant des instances internationales en charge des normes sanitaires (comité mixte FAO-OMS, Commission européenne, ministère de l’Agriculture) concernant le mercure. Notre enquête révèle que pour définir les teneurs maximales en mercure des thons, aucune méthode ne prenant en compte les conséquences sur la santé des adultes et des enfants n’est utilisée. Les pouvoirs publics européens choisissent au contraire une approche en complète opposition avec le devoir de protection de la santé publique : ils partent de la contamination réelle en mercure des thons pour établir un seuil qui assure la commercialisation de 95% d’entre eux. C’est la raison pour laquelle le thon, espèce parmi les plus contaminées, se voit attribuer une tolérance maximale en mercure trois fois plus élevée que celle des espèces les moins contaminées (1 mg/kg contre 0,3 mg/kg pour le cabillaud par exemple). Aucune raison sanitaire ne justifie cet écart : le mercure n’est pas moins toxique s’il est ingéré via du thon.

Le mercure est pourtant un puissant neurotoxique qui se fixe dans le cerveau et dont on se débarrasse très difficilement. Avoir agi en amont sur les seuils réglementaires permet désormais aux industriels et à la grande distribution de vendre des produits contaminés en toute légalité. Laisser croire aux gens que consommer du thon est sûr d’un point de vue sanitaire est un mensonge impardonnable aux conséquences dramatiques.

Des instances internationales révélatrices du niveau d’entrisme du lobby thonier

L’enquête de BLOOM se penche également sur des décennies de fabrication des normes par la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), organisations qui ont grandement influencé, des années durant, les règlements européens. En étudiant nombre de documents, BLOOM a pu déterminer que plusieurs membres du comité mixte FAO-OMS d’experts en additifs alimentaires (JECFA), censé garantir la sécurité alimentaire, sont concernés par des conflits d’intérêts.

Le Codex Alimentarius, lancé en 1963 par la FAO et l’OMS pour fixer des normes alimentaires internationales, est également sous influence du lobby thonier. Le groupe chargé de surveiller les contaminants alimentaires, le Comité du Codex sur les Additifs Alimentaires et les Contaminants (CCCF), est dirigé par les Pays-Bas, un acteur majeur de la pêche industrielle. Par ailleurs, les géants thoniers sont régulièrement représentés directement parmi les délégations nationales qui siègent aux réunions du CCCF, à l’inverse des ONG.

Le SCoPAFF, le comité “technique” de la Commission européenne au cœur du scandale sanitaire

Un des acteurs centraux du scandale sanitaire révélé par le rapport de BLOOM est une institution encore méconnue du grand public : le SCoPAFF, Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed (Comité permanent des plantes, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux). Ce comité a pour mission, entre autres, de définir les seuils maximaux de contaminants autorisés dans les produits alimentaires. Composé de représentants des États membres de l’Union européenne, il fonctionne dans une totale opacité : la Commission européenne refuse de divulguer l’identité de ses membres, les résultats des votes et le contenu détaillé de leurs échanges. Ce manque de transparence touche également les groupes de travail qui conseillent le SCoPAFF. Là encore, les procès-verbaux des réunions et les documents de référence ne sont pas divulgués. Ce choix est assumé par la Commission, qui ne donne pas accès aux documents même lorsqu’elle est saisie d’une demande officielle de transparence.

Le Parlement européen, qui est tenu à l’écart des discussions et décisions relatives aux normes sanitaires alimentaires, tente depuis des années de reprendre une partie du contrôle sur les choix opérés par le SCoPAFF, en vain.

Des contrôles rares et inefficaces

A rebours de la vigilance que devrait nécessiter un tel enjeu sanitaire, les contrôles sont quasi-inexistants sur la chaîne de production et de commercialisation du thon. Aux Seychelles, centre névralgique de la pêche thonière pour le marché européen, les autorités sanitaires se contentent d’une dizaine de tests chaque année pour garantir la conformité de millions de kilos de thon envoyés en Europe ! Les autorités françaises ferment totalement les yeux sur la contamination du thon au mercure et font une confiance aveugle à l’industrie thonière et à la grande distribution : depuis 2023, aucun contrôle n’est prévu sur les conserves de thon, et moins d’une cinquantaine de thons frais sont analysés.

Enfin, les rares contrôles qui existent étant basés sur une norme fixée pour être indépassable, le nombre de tests avec des niveaux de contamination non conformes est logiquement trop faible pour éveiller la moindre inquiétude de la part des autorités. Un écran de fumée supplémentaire permettant de renforcer l’impression trompeuse de sécurité.

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Thon et mercure : la grande distribution doit retirer le poison de ses rayons

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BLOOM est une association de loi 1901 à but non lucratif fondée en 2005 par Claire Nouvian. Entièrement dévouée à l’océan et à ceux qui en vivent, BLOOM a pour mission d’œuvrer pour le bien commun, la préservation de la biodiversité, des habitats marins et du climat en inventant un lien durable et respectueux du vivant entre les humains et la mer.