Droit à l’alimentation par la France : Mettons-nous à table
Objectif : Adopter une loi-cadre sur le droit à l’alimentation en France.
La France s’est engagée, en ratifiant des textes internationaux, à garantir le droit à l’alimentation sur son territoire. Mais ce droit ne se limite pas à être à l’abri de la faim : il doit permettre à chacun.e de choisir son alimentation pour vivre dignement, en bonne santé, dans le respect de l’environnement et des générations futures.
Pourtant, la transposition de ce droit dans le cadre juridique français et les politiques publiques pour le respecter, protéger et garantir sont encore insuffisantes. La faim progresse, les inégalités sociales se creusent, et les maladies liées à l’alimentation comme l’obésité ou le diabète explosent. Pendant ce temps, nos agriculteurs et agricultrices, pris dans un système agro-industriel dysfonctionnel, s’épuisent et voient leur colère grandir. Ce même système, qui contribue à la crise climatique, subit aussi ses effets dévastateurs.
Si des efforts ont été faits, la France peine encore à regarder les injustices du système alimentaire en face. La lutte contre la faim et la précarité alimentaire se mène surtout dans l’urgence et sans traiter ses causes profondes. Si les files d’attente pour l’aide alimentaire ont choqué pendant le COVID-19, si les alertes des Restos du Cœur mobilisent ponctuellement, la réalité est bien plus vaste : de nombreuses personnes qui sautent des repas ou se privent de produits frais faute de moyens, restant ainsi invisibles. Et quand l’aide est apportée, elle repose en grande partie sur l’engagement de bénévoles, tandis que l’État se contente d’accorder quelques millions d’euros supplémentaires à chaque poussée de fièvre.
Le matraquage publicitaire incessante sur les produits trop sucrés, salés et gras est parallèle aux campagnes pour le « mieux manger » qui visent à répondre aux enjeux environnementaux et de santé. Mais comment y parvenir lorsque l’on n’a pas les moyens financiers de choisir son alimentation ? Ou lorsqu’on habite dans des déserts alimentaires – quartiers, zones rurales et territoires – dépourvus de commerces ou de marchés permettant l’achat de produits frais et accessibles ?
Les industriels et la grande distribution, avec leurs marges élevées sur les fruits et les légumes durables, les rendent inaccessibles aux plus précaires, qui se voient contraints de se rabattre sur des aliments nuisibles à leur santé. Les promotions, qui sont en très grande majorité pour des produits de mauvaise qualité nutritionnelle, contribuent à aggraver la situation. Où est l’action de l’État pour assurer la transparence des prix et encadrer les marges des industriels afin de rendre une alimentation saine et durable accessible à tous.tes ? Quelles garanties l’Etat donne-t-il et quelles obligations impose-t-il pour que chacun.e ait les moyens financiers de se nourrir de manière adéquate ? Quelles garanties l’État offre-t-il pour éliminer les déserts alimentaires et assurer l’accès de tous.tes à des produits frais et abordables ?
En subventionnant massivement un modèle agro-industriel destructeur – qui accapare les terres, épuise les ressources naturelles et met en danger la santé des paysans.nes et des consommateurs.rices –, l’État perpétue un cercle vicieux. Certes, des aides d’urgence sont débloquées face aux catastrophes climatiques, mais où sont les investissements pour accompagner durablement la transition vers des modes de production respectueux du vivant et soutenir le renouvellement des générations agricoles ?
Qui entend les citoyen.nes qui aspirent simplement à pouvoir manger sainement tout en préservant l’avenir des générations futures ? Pour avancer, la France doit associer ses citoyen.nes à la construction de politiques alimentaires. Ce sujet, qui nous concerne toutes et tous au quotidien, mérite une action ambitieuse et collective.
Les moyens d’agir existent. Pourtant, la réponse reste trop souvent limitée à des mesures d’urgence, cloisonnées et insuffisantes, ainsi qu’à une tension entre des objectifs et intérêts que l’on présente trop souvent comme irréconciliables. Ce qu’il faut, c’est un courage politique à la hauteur des enjeux : une vision globale et des changements structurels. Depuis 2021, une Stratégie Nationale Alimentation Nutrition Climat (SNANC) est en préparation. La société civile s’est mobilisée pour proposer des mesures ambitieuses dans ce cadre3. Il est temps que cette stratégie voie le jour et qu’elle réponde véritablement aux défis actuels et futurs.
Une loi-cadre sur le droit à l’alimentation pourrait être le levier nécessaire pour engager la transformation de notre système alimentaire. Des instances internationales, comme le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies et le Conseil de l’Europe, appellent la France à aller plus loin. Elles recommandent l’adoption d’une loi-cadre sur le droit à l’alimentation, inscrivant ce droit dans notre législation pour offrir un cadre cohérent et durable. Ce droit, ancré dans des principes essentiels – dignité, participation citoyenne, non-discrimination, transparence, redevabilité – est un outil puissant pour replacer l’intérêt général au cœur de l’action publique.
Face à ces recommandations, des parlementaires issus d’horizons politiques divers – Boris Tavernier, Richard Ramos, Guillaume Garot et Éléonore Caroit, portent une résolution parlementaire appelant à l’adoption d’une loi cadre pour la mise en œuvre du droit à l’alimentation. Nous appelons les autres élu·es à se mobiliser et à faire preuve d’audace pour garantir que ce droit devienne une réalité pour toutes et tous en France tout en permettant une transition juste et durable de nos systèmes alimentaires.