« Il faut un signal politique fort pour l’accès de toutes et tous à une alimentation saine et durable »
Communiqué paru dans LA TRIBUNE
En 2024, des citoyens exprimant leur précarité alimentaire ont dénoncé leur absence de voix dans les discussions sur les modèles agricoles, notamment en raison du manque de pouvoir d’achat pour « mieux manger » et soutenir ceux qui produisent. Un an après, l’accès à une alimentation de qualité reste une priorité largement ignorée par les autorités publiques.
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«Nous sommes venus au salon de l’Agriculture, mais en tant que citoyens en précarité alimentaire on a compris qu’on n’avait pas notre mot à dire. »
«En 2024, des citoyens et citoyennes (1) ont partagé leur colère de se voir confisquer un sujet de société sur le changement de nos modèles agricoles, faute de pouvoir d’achat pour « manger mieux » et « mieux rémunérer » ceux et celles qui produisent.
Un an après, l’accès à une alimentation durable et de qualité reste une préoccupation partagée par de nombreux citoyens, mais peu entendue dans le débat public, négligée par le gouvernement. Les tendances sont pourtant dramatiques : 16 % des Français déclarent ne pas manger à leur faim (Crédoc). 20 % des étudiants dépendent de l’aide alimentaire (Cop1). La consommation des produits de qualité se réduit parmi toutes les franges de la population, et l’on voit réapparaître des maladies que l’on croyait oubliées, comme le scorbut !
Cette urgence sanitaire et sociale nous coûte collectivement : elle détruit la cohésion sociale, elle creuse le déficit public. Rien que 12 milliards d’euros chaque année pour les effets de notre mauvaise alimentation sur la santé ! Ceux et celles qui nous rappellent l’enjeu d’une dépense publique efficiente entraînent pourtant son dérapage à grande vitesse. Le projet de loi d’orientation agricole et la proposition de loi Duplomb, adoptées par le Sénat, renforcent un système agricole et alimentaire intensif aux effets délétères, dont le contribuable paye les pots cassés : diabète, obésité, maladies respiratoires, cancers, compensation de faibles rémunérations, etc. Les personnes soignées pour diabète ont augmenté de 160 % en vingt ans (Assurance maladie) ; 18 % des agriculteurs et agricultrices vivent sous le seuil de pauvreté (Insee) et on apprenait dernièrement la contamination massive de l’eau par des polluants cancérogènes (PFAS), liés à l’agriculture intensive (UFC-que-choisir et Générations futures). En parallèle, on observe pourtant la multiplication des attaques contre des agences qui protègent notre environnement et notre santé.
L’accès à une alimentation durable et de qualité pour toutes et tous doit devenir la boussole de nos politiques agricoles et alimentaires et dépasser l’aide alimentaire comme seul levier. La ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire vient justement d’annoncer la mise en consultation prochaine, au mois de mars, d’une Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC). Prévue initialement pour juillet 2023, elle doit fixer un cap pour la politique de l’alimentation à horizon 2030 et assurer la cohérence des différents ministères concernés. Nous, organisations de consommateurs, de familles, de paysans, de personnes malades, de professionnels de santé, de solidarité, de protection de l’environnement et du bien-être animal, appelons à une Stratégie ambitieuse et à la hauteur des urgences écologiques, sociales et de santé publique.
La SNANC est l’opportunité de donner un signal clair pour le développement d’une alimentation durable, favorable à la santé, qui soit accessible à toutes et tous et rémunératrice. De se donner les moyens de dépasser des logiques de silos. De conduire à des changements concrets, à condition d’arbitrages favorables pour y trouver :
– Un objectif de transparence sur les prix et sur la répartition de la valeur ; un encadrement des marges sur les produits sains et durables, notamment biologiques.
– Des objectifs d’approvisionnement en produits sains, biologiques, équitables et de qualité pour la grande distribution, sur le modèle EGAlim, et une restriction de la place faite aux produits trop gras, trop sucrés, trop salés et ultra-transformés.
– L’interdiction de la publicité et du marketing pour des produits trop gras, trop sucrés et trop salés, en particulier lorsque ces activités ciblent les enfants, et l’obligation d’affichage du Nutri-score sur les emballages des produits alimentaires et dans toutes leurs publicités (et dès maintenant, la publication du décret nécessaire à l’application du nouvel algorithme du Nutri-score).
– Des recommandations alimentaires (PNNS) qui intègrent mieux la durabilité, des moyens financiers et une feuille de route contraignante pour une évolution des régimes alimentaires avec moins de produits d’origine animale mais de meilleure qualité, plus de produits végétaux.
Nous ne nous résignerons pas à choisir la dignité des uns contre la dignité des autres, ou entre les humains et la planète qui les fait vivre. Les champs sur lesquels sont investies nos associations – la lutte contre la précarité alimentaire, la santé et la promotion de pratiques agricoles plus écologiques et respectueuses du bien-être animal et de ceux qui produisent et consomment – ne peuvent plus être traités l’un sans l’autre, encore moins érigés l’un contre l’autre. Nous avons de quoi construire ce nouveau cap pour notre agriculture et notre alimentation à la condition d’une SNANC ambitieuse, et dans la perspective du droit à l’alimentation : n’attendons plus.
(1) Une étude réalisée par le Secours Catholique, Réseau Civam, Solidarité Paysans et la Fédération française des diabétiques : https://www.secours-catholique.org/m-informer/publications/linjuste-prix-de-notre-alimentation.
Publié le 28/02/25
Signataires :
– Didier Duriez, président du Secours Catholique – Caritas France
– Sophie Descarpentries, co-présidente du FRENE
– Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch France
– José Tissier, président de Commerce Equitable France
– Mathis Fidaire, Président du RESES
– Jacky Vollet, Président de la Fédération Française des Diabétiques
– France Assos Santé
– Nikita Bachelard, Responsable du Pôle Programmes, Quatre Pattes
– Emilie Orliange, Présidente de l’Association de l’Alimentation Durable
– Cécile Claveirole, vice-présidente de France Nature Environnement
– Renaud Fossard, délégué général de Communication et démocratie
– Nadine Lauverjat, déléguée générale de Générations Futures
– Marine Jobert, coordinatrice du Collectif Les Pieds dans le Plat
– Marie Gabrielle Domizi, présidente de l’Observatoire National des Alimentations Végétales
– Anna Faucher, Directrice – co-fondatrice, Let’s Food
– Gilliane Le Gallic, Présidente de Alofa Tuvalu
– André Cicolella, Président du Réseau Environnement Santé
– Françoise Vernet, présidente d’honneur de Terre & Humanisme
– Antoine Tirot, Responsable du secteur Économie/Consommation/Environnement à la Confédération Syndicale des Familles (La CSF, asso de consommateur)
– Yvan Savy, Directeur, CIWF France
– Edouard Toulouse, Président du Réseau Action Climat
– Geneviève Chevassus, administratrice, MIRAMAP
– Allain Bougrain Dubourg, Président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux
– Arnaud Greth, Président de Noé
– Julien Kien, président de Bio Consom’acteurs
– Patrick Belghit, Trésorier du CNAFAL Conseil National des Associations Familiales Laïques
– Aicha Koraichi, Présidente d’Action contre la faim
– Madeleine Desportes, Coordinatrice Générale de La Communauté Ecotable
– Heather Noreen, Présidente de l’association OuiChange
– Bruno Morel, Président, Emmaüs France
– Ghislain Zuccolo, directeur général de Welfarm
– Marie Cousin, co-présidente de Résistance à l’Agression Publicitaire
– Jean Azan, administrateur des Ami.e.s de la Confédération paysanne
– Stéphanie Clément-Grandcourt, directrice générale de la Fondation pour la Nature et l’Homme
– Claudio Muskus, Directeur Général de Fermes d’Avenir
– Vincent David, Président de Max Havelaar France / Fairtrade
– Marie Cohuet et Laura Thiéblemont, co-présidentes des Amis de la Terre France
– Patrice Bedouret, Bedouret, Président de l’Adéic
– Catherine Cecchi, présidente de la Société Francophone de Santé et Environnement
– Thierry Fousset, président Union des Groupements des Epiceries Sociales et Solidaires (UGESS)
– Caroline Dailly, représentante légale du Mouvement Cuisines Nourricières