Les Permanences d’Accueil – 2 – Approche du droit

La défense du consommateur passe par des connaissances en droit

Ce document de trois chapitres a pour but de vous apporter un éclairage sur ce qu’il faut savoir pour : Apporter les premiers conseils pour animer efficacement une permanence juridique, avec quelques informations juridiques de base.

Le droit : quelques principes

Vous devrez évoluer dans un univers de droit. Le terme de « droit » désigne les règles qui gouvernent la vie des hommes en société.
La règle de droit est générale car elle s’applique sans distinction et elle est obligatoire. Le caractère obligatoire sous-entend une possible sanction en cas de non-respect de la règle, elle est prévue au préalable.

Vous évoluerez à travers différentes branches du droit que sont le droit public et droit privé. Quelles différences ?

– Dans le droit public, on trouve le droit administratif qui organise le rapport des différentes administrations entre elles et avec les citoyens, comme le droit fiscal par exemple ou les règles d’urbanisme…. Vous aurez à entendre de ce genre de litige. Mais ce ne seront pas les plus nombreux.
C’est dans le domaine du droit privé que vous évoluerez, le plus souvent. Il s’agit, cette fois de l’ensemble des règles qui concernent la vie juridique des particuliers entre eux, avec les professionnels… Vous traiterez de nombreux litiges de ce type, toutes sortes de contrats… à lire absolument.

– Le droit des contrats est un droit supplétif par principe : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». (Article 1103 du code civil).

Mais vous verrez que dans votre discipline (le droit de la consommation), il y a de nombreuses règles d’ordre public à respecter ! Vous évoluerez dans les deux sortes de droit que comporte le droit privé, à savoir :
Le droit civil qui s’occupe de régler les différends entre les personnes (physiques et/ou morales), il s’agira alors de s’intéresser aux obligations réciproques.
Le droit pénal a une autre vocation, il veille au maintien de l’ordre public et s’assure du respect de certaines règles et valeurs qui protègent la société et nous permettent de vivre ensemble. Le droit pénal est un droit répressif, qui punit des « infractions » bien déterminées et qui sont classées en fonction de leur gravité. Les moins graves étant :

  • Les contraventions, elles sont punies de peines d’amende et sont distinguées en 5 classes qui déterminent le montant de l’amende encourue.
  • Les délits, ils sont punis de peines d’amende supérieures ou égales à 3 750 euros et de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 10 ans pour les délits les plus graves. C’est dans cette catégorie que nous trouvons de nombreuses infractions consuméristes : l’abus de faiblesse, les infractions dans les contrats de vente hors établissement….
  • Les crimes, ils constituent la catégorie des infractions les plus graves.

Bien souvent, lorsque vous aurez à traiter un litige de nature « pénale », vous travaillerez avec un partenaire incontournable pour une association de consommateurs : les services de la consommation et de la répression des fraudes.

Le droit a donc différentes branches mais également différentes sources : la loi et la jurisprudence notamment.

Elles seront vos outils. Mais parmi tant de textes, comment s’y retrouver, lesquels appliquer ?

Face à tout un ensemble de normes, sachez qu’il existe une hiérarchie que vous devrez respecter. Nous aurons ainsi, dans l’ordre d’importance :

→ La constitution : la mise à jour du texte en vigueur date du 23 juillet 2008.
→ La loi : par le parlement
→ Les décrets : par le Président de la République ou le Premier ministre
→ Les arrêtés : par les ministres, les préfets ou les maires.

❖ Vous pouvez trouver les textes de loi en consultant le site www.legifrance.gouv.fr

Attention, la norme suprême du système juridique français est la Constitution de 1958. Mais pas seulement. Le Préambule renvoie explicitement à trois autres textes fondamentaux que sont la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (la Constitution de la IVe République) et la Charte de l’environnement de 2005. C’est ce que l’on appelle, le « bloc de constitutionnalité ». Les juges pourront en appliquer directement les principes supérieurs en cas de litige. De plus, à côté de nos textes nationaux, des traités et accords internationaux, le droit européen, pourront primer mais toujours dans le respect de notre constitution.

❖ Vos deux outils principaux seront la loi et la jurisprudence.

La loi. Vous la trouverez dans bien des textes, parfois épars, parfois codifiés. La loi est vivante, elle évolue, ainsi vous veillerez à l’application du texte au cas qui vous intéresse. Un point important à connaître : une loi est non rétroactive « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif » (article 2 du code civil).
Donc en principe, une loi nouvelle ne peut s’appliquer à des situations de fait ou de droit antérieures à sa publication. À vous de vérifier à chaque traitement de litiges, si le texte que vous consultez pour examiner le cas pratique est bien applicable. Comparez les dates. Ou vous avez peut-être une loi rétroactive ? Le
législateur a pu le prévoir…En droit pénal, on appliquera la loi la plus douce.
Bon à savoir également : vous disposez d’un texte pour l’examen de votre litige ? Il peut s’agir d’un texte d’ordre public ou pas. Une loi d’ordre public s’impose ! (Un contrat ne pourra pas prévoir une règle différente) alors qu’une loi « supplétive » s’applique sauf en cas de volonté contraire des parties au contrat
ou si le contrat est taisant.
Autre astuce face à des textes qui vous paraissent concurrents ? Sachez qu’en principe, un texte spécial l’emporte sur un texte général.

La jurisprudence : Il s’agit là de l’ensemble des décisions de justice qui posent principes et solutions sur des problèmes posés. Les textes nécessitent une interprétation et une application aux faits. Elle est donc relative et nous ne sommes jamais à l’abri d’un revirement de jurisprudence, mais elle est créatrice de droit.
La réforme des contrats intervenue en 2016 a intégré au nouveau code civil de nombreuses avancées jurisprudentielles, par exemple.
Plus la juridiction saisie est haute et plus la décision a de portée. La Cour de Cassation est la juridiction suprême

Le droit de la consommation

Avec le développement de la société de consommation (distribution de masse) et les nouveaux procédés qui ont émergé (marketing, pub…), on a vu apparaître de nombreux contrats d’adhésion (qu’on ne discute pas). Le droit civil qui fonde notre droit commun, ne suffisait plus.

Le droit de la consommation, c’est quoi ?

C’est l’ensemble des règles applicables aux relations entre professionnels et consommateurs et qui ont pour objet de protéger les consommateurs, même s’ils n’en sont pas toujours les uniques bénéficiaires.
C’est un droit spécial, un droit régulateur qui émerge à la suite du constat d’une relation inégale entre professionnel et consommateur. Un déséquilibre qui peut être économique, juridique, financier, intellectuel, lié à la compétence technique.…
Le droit de la consommation apporte de nombreuses règles d’ordre public. Il instaure un formalisme informatif, il fixe des principes qui sont des exceptions au droit civil : possibilité de rétractation, délais de réflexion…
C’est un droit qui rencontre d’autres disciplines : code de la santé, code des assurances, code monétaire et financier, code du tourisme, code de la construction et de l’habitation, code pénal….
Le contrat de consommation est conclu entre un consommateur et un professionnel. Les non professionnels sont susceptibles d’être protégés par certains articles du code de la consommation également.

L’article liminaire du code de la consommation nous fournit les définitions :

Un consommateur : « Toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou agricole »

Un professionnel : « Toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel »

Un non professionnel : « Toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles » Ex : comité d’entreprise, syndicat de copropriétaire
Les sociétés commerciales n’entrent jamais dans la catégorie « non  professionnel » !

Sont des contrats de consommation, tous les contrats de la vie quotidienne. Il y aura contrat de consommation à chaque fois qu’un consommateur achète un produit de consommation où se procure un service du secteur marchand.

Le permanent bénévole aura un champ d’intervention particulièrement varié : logement, transport, prix, assurance, banque, achats et garanties des biens, contrats hors établissement, communications électroniques, tourisme, arnaques en tout genre…

Les contrats de consommation obéissent au droit commun des contrats que nous trouvons dans le code civil et aux dispositions spécifiques de droit de la consommation.

Le bénévole chargé de la tenue de permanence devra donc travailler sur la base du contrat signé (il vous le faut) et parfois, avec différents textes qu’il conviendra d’articuler. Dont il faudra respecter la hiérarchie, par exemple : Un texte d’ordre public l’emportera toujours sur des dispositions contractuelles contraires. Et un texte particulier l’emportera sur un texte général….

Des exemples :

L’article 1103 du code civil (droit commun) vous dit que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Signer c’est s’engager Vous devrez souvent le rappeler à votre adhérent. Le consommateur ne pourra renoncer après coup s’il est allé acheter dans un magasin, sur une foire.
Mais s’il a signé dans certaines circonstances particulières : à domicile, au travail, il bénéficiera d’un droit de rétractation de 14 jours conformément aux dispositions du code de la consommation qui fixe des règles protectrices particulières pour les contrats hors établissement.
Ou si d’aventure, votre adhérent a financé son achat en souscrivant un crédit à la consommation (crédit affecté), le code de la consommation lui ouvrira un délai de rétractation de 14 jours qui emportera l’annulation du contrat de vente en cas de renonciation au contrat de crédit. Les dispositions du code de la
consommation étant, dans les deux cas, d’ordre public.

À vous de poser les bonnes questions, de différencier les situations.

Infos pratiques N°4. Les permanences d’accueil- 1
16 février 2021