Les scientifiques, créateurs du Nutri-Score à l’honneur
Le journal « l’express » récompense ceux grâce à qui la science et la recherche progresse.
Le spécialiste de la nutrition, Serge Hercberg, ainsi que sa consœur Mathilde Touvier qui a repris les rênes du projet Nutri-Score en 2019, ont été distingués lundi 10 mars du prix de la Prévention lors de la remise des prix Sciences et Santé de L’Express pour 2025. « Avec nos travaux, nous avons donné du pouvoir aux consommateurs et obligé les industriels à faire évoluer leur offre« , s’est réjouie à cette occasion la scientifique, déjà plusieurs fois primée ces dernières années.
Cette récompense est d’autan plus remarquable qu’elle est accordée au moment où malgré les lobbies de l’agroalimentaire rejoint par la ministre de l’agriculture, madame Genevard, qui refusait de valider le nouveau nutri-Score.
Cet épisode illustre la persistance des attaques contre le logo nutritionnel lancé en 2017 par le professeur Serge Hercberg, qui a passé le flambeau en 2019 à Mathilde Touvier. Leur équipe, qui regroupe des chercheurs du Cnam, de l’Inserm, de l’Inrae et de l’université Sorbonne Paris Nord affronte, depuis le début de l’aventure, une industrie agroalimentaire réticente, pour ne pas dire hostile, à leur démarche. Informer les consommateurs sur ce qu’ils mangent et boivent, quitte à pointer les « mauvais » aliments, déplaît visiblement à certains. Malgré plus de 150 publications scientifiques montrant l’intérêt du Nutri-Score pour améliorer la santé, et en dépit d’un rapport signé par 320 scientifiques du monde entier, la Commission européenne n’a toujours pas rendu le système obligatoire. La faute aux groupes de pression industriels.
« Avec nos travaux, nous avons donné du pouvoir aux consommateurs et obligé les industriels à faire évoluer leur offre« , confirme sa consœur Mathilde Touvier, directrice de recherche en épidémiologie nutritionnelle à l’Inserm. L’enjeu est de taille : selon un article scientifique publié en septembre dans le Lancet Regional Health-Europe, la consommation d’aliments mal classés au Nutri-Score est associée à un risque accru de maladies cardiovasculaires. Selon l’OCDE, qui a publié un rapport éloquent sur le sujet l’an dernier, sa généralisation à l’échelle européenne éviterait deux millions de maladies d’ici à 2050, diminuerait les dépenses de santé et augmenterait le nombre de personnes en capacité de travailler. « J’ai hésité, pour mes études, entre la nutrition de santé publique et la médecine. Dans le second cas, j’aurais sauvé peut-être une personne par jour. Notre travail peut sauver des milliers de vies« ,
La nouvelle version de l’affichage nutritionnel Nutri-Score, critiquée la semaine dernière par la ministre de l’Agriculture, va bien pouvoir entrer en vigueur avec la signature par les ministères concernés de l’arrêté qui organise sa mise en place, a indiqué le gouvernement vendredi 14 mars. « Compte tenu des enjeux impératifs de santé publique, les ministres ont décidé de signer l’arrêté modifiant les règles de calcul du Nutri-Score« , peut-on lire dans un communiqué des ministres chargés de l’Economie, de la Santé, de l’Agriculture et du Commerce.
Les ministres Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarités), Yannick Neuder (Santé, Accès aux soins), Eric Lombard (Economie), Véronique Louwagie (Commerce) et Annie Genevard (Agriculture) ont apposé leur signature sur le document.
Cette dernière avait assumé publiquement la semaine dernière bloquer la publication de l’arrêté qui devait permettre l’entrée en vigueur du nouveau Nutri-Score, lui reprochant de donner une mauvaise note aux produits « remarquables » du terroir, fromages et charcuterie notamment. Les ministres en charge de la Santé avaient eux indiqué l’avoir signé.
Il s’agit avant tout de « lutter contre le surpoids, l’obésité » qui génère « des sujets aussi lourds que les maladies cardiovasculaires, le diabète et certains cancers », a commenté la ministre de la Santé Catherine Vautrin sur TF1.
Cette nouvelle mouture est plus sévère à l’égard de certains produits transformés par l’industrie agroalimentaire pour tenir compte de récents travaux scientifiques. Elle permet notamment « d’améliorer la différenciation entre les aliments selon leur teneur en sel et sucres », décrit le communiqué du gouvernement. « Il sera demandé aux ministères concernés d’étudier » ces « effets de bord » potentiels et « d’initier au niveau européen des échanges pour voir comment mieux les prendre en compte ».