Manifestation contre la fin de la trêve hivernale à Lille
“On s’attend à une augmentation très nette des expulsions en 2023”
Alors que la trêve hivernale s’est achevée hier en France, environ 300 personnes ont manifesté ce samedi 1er avril à Lille pour protester contre sa fin ainsi qu’en faveur du retrait de la loi Kasbarian, dans un contexte national d’inflation et de crise du logement.
“Un toit, c’est un droit, des logements pour tous !“, “non, non, non, aux expulsions !“. Sous une pluie fine, un cortège d’environ 300 personnes marche en direction de la Grand Place de Lille. Ce samedi, à 14h30, un collectif inter-associatif regroupant APU Vieux Lille, APU Moulins, APU Fives, INDECOSA CGT 59, UD CGT 69, CNL 59, CLCV 59, LDH Lill et CSF 62 s’est réuni afin d’alerter sur les conséquences de la fin de la trêve hivernale et de la loi Kasbarian.
Du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante, l’expulsion d’un locataire de son logement est interdite et reportée. “Dès lundi, des personnes peuvent se retrouver face à des injonctions de quitter leur foyer“, prévient Julie Deville, présente dans la manifestation.
Le logement, “un secteur très tendu“
Pour la responsable du groupe de travail sur les droits économiques et sociaux au sein de la Ligue des Droits de l’Homme du Nord, les personnes en situation de précarité en matière de logement sont laissées pour compte par les pouvoirs publics. “Chaque expulsion est un drame. Quand on n’a pas de logement, exercer ses autres droits devient plus complexe“, illustre Julie Deville.
Un constat partagé par Xavier Guillet, chargé de mission habitat et développement local au sein de l’union régionale Consommation Logement Cadre de vie (CLCV) des Hauts-de-France, qui considère que l’État ne remplit pas son rôle quant à la disponibilité de logements sociaux. “Il en manque beaucoup dans la métropole lilloise aujourd’hui. C’est un secteur très tendu, pour lequel les délais moyens pour obtenir une place sont de plus en plus longs“, analyse-t-il.
Dans un contexte inflationniste et de précarité énergétique, les associations alertent ainsi sur les difficultés toujours plus flagrantes pour couvrir les dépenses liées au logement.
3000 procédures d’expulsion dans l’agglomération
Alors que la France traverse une crise du logement, comme l’a souligné le 28ème rapport de la fondation Abbé Pierre en février dernier, les acteurs du terrain tirent la sonnette d’alarme. “Nous avons accompagné 489 familles en 2022, c’est un chiffre inédit. En comparaison, il y en avait 350 en 2019“, témoigne Antonio Delfini, président de l’APU du Vieux Lille.
L’acteur associatif observe une intensification des procédures d’expulsion, qu’il estime à 3000 dans l’agglomération lilloise. “On s’attend à une augmentation très nette des expulsions en 2023. Le contexte post-covid sur l’augmentation des loyers et des charges exponentielles pressurisent très fort les ménages et les familles. C’est une catastrophe“, met en garde Antonio Delfini.
La loi Kasbarian cristallise les colères
Tout au long de l’après-midi, son nom revient sur toutes les lèvres. Le député Renaissance Guillaume Kasbarian porte une proposition de loi “visant à protéger les logements contre l’occupation illicite”. Les manifestants lillois demandent le retrait pur et simple du texte, actuellement en débat en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
“On dénonce son principe, qui a pour vocation de criminaliser le squat (45 000 euros d’amende) et les locataires en situation d’impayés qui se maintiendraient dans les lieux une fois la procédure judiciaire d’expulsion terminée. Cette loi favorise plutôt les petits propriétaires“, s’insurge Xavier Guillet.
Même son de cloche pour Antonio Delfini : “Cette loi prévoit de restreindre les délais de procédure des expulsions et empêche complètement le travail effectué par nos associations, qui consiste à trouver du temps pour essayer de pouvoir maintenir les gens dans leurs logements ou leur trouver une solution de secours“.
“La loi Kasbarian est d’une autre époque. Elle renforce la protection des propriétaires, déjà couverts par d’autres lois existantes, au détriment des personnes les plus démunies“, appuie Julie Deville. L’Observatoire des squats, créé par la ministre du Logement de l’époque, n’avait relevé sur l’année 2021 que 124 procédures liées à l’occupation illégale d’un logement dans son tout premier bilan. À titre de comparaison, 4,1 millions de personnes sont en situation de mal-logement et 330 000 sans domicile, tandis que 3,1 millions de logements sont laissés vacants selon des chiffres publiés par l’Insee en 2017.
France Info – FR3 Hauts de France – 02/04/2023 – Écrit par