Mesure en faveur des associations de consommateurs de l’UE.

Interpellation du Président de l’Union Européenne

 

A M. Emmanuel Macron
Présidence Française de l’Union Européenne,

Monsieur le Président,

C’est avec la plus grande attention que nous avons écouté vos intentions de gouvernance et d’impulsions à l’occasion de la Présidence Française de l’Union Européenne, et avec le plus grand regret que nous n’y avons trouvé aucune mesure concrète en faveur des associations de consommateurs sur l’UE.

La Commission Européenne, le Parlement et le Conseil, travaillent depuis des mois sur le « New Deal for Customers », ainsi que sur le Digital Markets Act et le Digital Services Act. L’accent est mis sur la numérisation des rapports de consommation, et sur les nécessaires adaptations législatives et administratives qui en découlent.

Sur ces sujets, la Commission Européenne a mené, à plusieurs reprises, des consultations avec notre association européenne de consommateurs (European Consumers Union – ECU). A chaque fois, notre participation concluait que si le numérique était effectivement un outil primordial dans les actes d’achats et la résolution des litiges qui en découlent, son déploiement ne pouvait en aucun cas être l’occasion de réduire l’intervention des associations de terrain, bien au contraire.

Pourtant, les services de la Commission, tout comme la plupart des services nationaux en charge des questions de consommation, portent l’affirmation opposée, si ce n’est dans leurs discours, clairement dans leurs actes.

Ainsi, en France, tout en louant le travail de terrain des associations agréées, les moyens de fonctionnement ne cessent d’être diminués et l’Institut National de la Consommation, véritable service public au bénéfice des consommateurs, est mis à mal. Les rapports sur l’exclusion numérique sont pourtant loin d’être satisfaisants : l’un des plus récents faisait même état de près de 20 % de la population française en situation d’échec face à cet outil. Cette proportion est plus grande encore à l’échelle de l’UE.

Rappelons, à toutes fins utiles, que l’exclusion numérique, largement engendrée par de nombreuses zones blanches sur tout le territoire et par le manque de matériel adéquat, s’appuie également sur un manque de connaissances quant à l’usage des outils numériques et de grandes difficultés à utiliser les informations qui en résultent. Sur ces deux derniers points, l’accompagnement des consommateurs par des associations de terrain est un point essentiel, qui ne peut en aucun cas trouver réponse auprès des influenceurs dont l’indépendance vis à vis des marques qui les font vivre reste entièrement à démontrer.

La consommation en Europe ne peut être abordée qu’à hauteur des enjeux de notre époque : pouvoir d’achat, présence de terrain, enjeux sociétaux sur les produits et services que nous consommons.

Le salaire minimum européen est une initiative essentielle pour permettre à des millions de foyers de l’UE de faire face aux questions d’énergie, d’alimentation, d’habillement, d’accès à la culture… Actuellement, l’inflation en Europe est telle que sans un soutien actif aux salaires, la consommation restera une vue de l’esprit pour des millions d’européens condamnés à n’acheter que des produits de basse qualité, avec tous les désastres sanitaires, sociaux et environnementaux que cela ne manquera pas de générer à court et moyen termes. Vous avez déclaré vouloir aboutir sur ce dossier du salaire minimum européen durant votre présidence, mais s’il devait s’avérer que la Directive qui en découlerait soit vide de tout engagement chiffré proportionnel aux États (et même les réticences nordiques ne font aucunement obstacle à ce chiffrage), alors il ne s’agirait que d’une déclaration sans lendemain, une de plus.

Le salaire minimum européen est une première étape, un socle au-delà duquel il faudra, pour l’ensemble des associations de consommateurs de l’UE, construire des moyens pérennes de fonctionnement. Au niveau français, les possibilités de contrôle de la répression des fraudes (DGCCRF) doivent s’intensifier. A l’échelle européenne, pourquoi ne pas, à l’image de l’ELA dans le domaine du travail, réfléchir à la fondation d’une ECA (European Consumers Agency) qui appuierait, avec l’ECC-Net (réseau des consommateurs Europe), les associations de terrain pour leur offrir de véritables moyens (moyens de fonctionnement, de rencontres, d’échanges, de formation…) ?

Seul un outil puissant, animé d’une réelle volonté d’aller vers une harmonisation des normes et labels européens, pourra nous permettre d’obtenir un haut niveau de protection des consommateurs sur l’ensemble de l’UE, et sans doute même, à terme, au-delà. Cet outil ne peut que se construire en relation et en implication des associations européennes de consommateurs, afin d’éviter les dérives que nous avons déjà pu signaler aux services français lors de notre enquête sur les phtalates. Cette enquête, rappelons-le, avait démontré qu’un label (le label A+, dont on retrouve des équivalents dans plusieurs pays de l’UE) laissé aux seuls industriels, conduisait à des affirmations non réalistes. Elle démontrait également les limites d’une agence européenne (l’EChA) livrée prioritairement aux considérations économiques avant même la sécurité des consommateurs et des salariés.

Monsieur le Président, entendre de grands discours sur notre rôle essentiel auprès des consommateurs est certes encourageant, mais ne saurait dispenser d’actes concrets allant dans ce sens.

C’est pourquoi, Monsieur le Président, nous vous adressons ce courrier et vous demandons d’entendre nos attentes, au profit de plusieurs millions de consommateurs européens.

François Bilem
Vice-Président de l’ECU
INDECOSA-CGT, France

Sergio Veroli
Président de l’ECU
FEDERCONSUMATORI, Italie

Alvita Armanavičienė
LITHUANIAN NATIONAL CONSUMER FEDERATION, Lituanie

Alessandro Mostaccio
MOVIMENTO CONSUMATORI, Italie

BoženaStasenkova
ASSOCIATION OF CONSUMER ASSOCIATION IN SLOVAKIA, Slovaquie

ApostolosRaftopoulos
UNION OF WORKING CONSUMERS OF GREECE, Grèce

Montreuil, le 28 mars 2022.