Permanence d’accueil -3- Montage dossier
Permettre de se familiariser avec les ressources documentaires, les partenaires.
1. SE DOCUMENTER
Étape importante. Fondamentale. Vous ne saurez jamais tout et il vous faut chercher. Si vous savez vous servir des sites dédiés pour vous informer, mener votre recherche, vous pourrez répondre rapidement à de nombreuses questions des adhérents.
L’INC réalise de nombreuses fiches juridiques thématiques qui vous permettent d’éclairer le consommateur sur ses droits. Ces fiches sont disponibles en ligne sur le site de l’INC ainsi que de nombreux modèles de lettres.
Vous pouvez remettre un exemplaire de la fiche pratique au consommateur même s’il n’est pas adhérent. Car fournir des informations à caractère documentaire n’est pas interdit aux associations de consommateurs. Seule l’étude du litige pour avis (examen des pièces, intervention …) est à proscrire.
Très important : vous serez attentif à la qualité de votre source et à la fraîcheur de l’information.
Vous avez trouvé une fiche thématique sur le sujet qui vous préoccupe ? De quand date cette fiche, est-elle bien à jour ? n’y-a-t-il pas de possible interprétation ?
Et il existe bien d’autres sites de confiance :
Vos sites de confiance (faire un état détaillé + annexes) :
L’INC (fiches pratiques et modèles de lettres),
L’ANIL pour les questions de logement,
Les associations de consommateurs agréées.
Les mises à jour sont régulières et les dates d’actualisation indiquées.
Et en cas de doute sur la compréhension ou l’interprétation, l’actualité d’une fiche ? Vous pouvez consulter :
- Votre association nationale : Indecosa.fr
- Votre CTRC de Région si vous y adhérez.
- Voir site INC qui met à disposition des associations de consommateurs agréées, des accès.
2. SAVOIR QUALIFIER
Qualifier juridiquement va consister à traduire les faits qui vous sont exposés en termes juridiques, pour vous permettre de trouver la règle de droit applicable.
Exemples : Votre adhérent a commandé une télévision à la FNAC par internet.
Qualification juridique : l’adhérent est un acheteur, la FNAC est un vendeur mais à distance.
Les deux parties sont liées juridiquement par un contrat de vente à distance.
S’il avait acheté le bien au magasin, les règles n’auraient pas été les mêmes.
- Code de la consommation
Votre adhérente a choisi un appartement vide pour y habiter à titre principal, sur le bon coin.
Qualification juridique : l’adhérente est une locataire, le propriétaire de l’appartement est un bailleur.
Les deux parties sont liées juridiquement par un contrat de location d’immeuble. - Loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs, logement nu à titre de résidence principale.
Mais elle aurait pu louer l’appartement en meublé classique, bail mobilité…), et les règles changent (ex : loi ELAN de 2018).
Votre adhérent a déposé son manteau au pressing pour un nettoyage.
Qualification juridique : C’est un client, le pressing est le prestataire de services
Les deux parties sont liées juridiquement par un contrat de dépôt. - Code civil
Parfois, votre dossier aura vocation à être transmis rapidement à d’autres.
Ce sera le cas si le litige qui vous est soumis est d’ordre pénal.
Ce sera le cas d’un litige civil dont l’enjeu exige le concours d’un avocat.
Si vous êtes face à un délit sanctionné par le code de la consommation, il convient de signaler les faits à la DDPP ou la DDPCS (selon le cas) du département où le professionnel a son siège social. Mais si vous contactez votre administration locale, elle fera suivre. Des sanctions administratives sont possibles aussi.
Le consommateur, dans ce cas précis, « porte plainte ». Il peut le faire également auprès du Procureur de la République.
L’avantage du traitement pénal, c’est que vous n’aurez plus besoin de réunir plus de preuves. Si la plainte n’est pas classée sans suite, l’enquête s’en chargera. L’adhérent sera ultérieurement invité à se constituer partie civile pour l’audience afin de demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi (et chiffré).
Votre rôle est plus conséquent dans le cadre d’un litige civil. Et si le litige est mixte, il vous appartiendra de conseiller une stratégie.
Petit rappel des prescriptions pénales :
- Contravention : 1 an
- Délit : 6 ans
- Crime : 20 ans
3. PENSEZ AUX RELAIS
Attention : si le montant du différend devait dépasser 10000 €, il conviendra de contacter un avocat car pour se présenter devant le juge, son concours est obligatoire.
En deçà, il est possible de recourir à des procédures simplifiées sans assistance obligatoire. A vous de déterminer la pertinence de demander leur conseil. La plupart de litiges qui vous seront soumis seront inférieurs, ce qui n’exclut pas d’inviter l’adhérent à se rapprocher d’un conseil (technicité etc.…)
Vous inviterez toujours votre adhérent à vérifier s’il dispose d’une assurance ” protection juridique”. Si oui, que prévoit son contrat, quel soutien (notamment financier) peut-il solliciter ?
4. L’IMPORTANCE DU TEMPS
Vous serez très attentif au temps qui passe, il sera parfois votre allié, parfois votre ennemi.
Si le consommateur n’a que quelques jours pour agir, vous devez le lui dire. Ce sera le cas quand il dispose d’un délai de rétractation ou de réflexion. En votre qualité d’animateur d’une permanence juridique, cela fait partie de votre obligation de moyen.
Les délais de rétractation sont définis à l’article 1122 du code civil : “La loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de réflexion, qui est le délai avant l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation ou un délai de rétractation, qui est le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement“.
Attention : c’est une exception au principe selon lequel un contrat signé fait la loi des parties. Pas de texte, pas d’exception à cette règle sauf accord contractuel. Et vous devrez rester vigilent car les délais de réflexion ou de rétractation comportent aussi leurs exceptions.
Il existe de nombreux délais, comme par exemple :
- Contrat hors établissement ou vente à distance : 14 jours pour se rétracter
- Crédit affecté : 14 jours pour se rétracter
- Crédit immobilier : 10 jours pour réfléchir
- Cours de formation professionnelle : 10 jours pour se rétracter
- Cours d’enseignement à distance : 7 jours pour réfléchir
- Assurance vie : 30 jours pour se rétracter
- Agence matrimoniale : 7 jours
- Hébergement personne âgée : 15 jours
Notre conseil : reporter-vous à la fiche INC J177 « Délais de réflexion-Délais de rétractation » qui vous fournira toutes les informations sur les calculs, les exceptions etc. ainsi que son tableau synthétique.
Si le consommateur est poursuivi par un professionnel, par exemple en paiement alors que l’obligation est prescrite car l’action trop tardive, inutile de passer des heures à étudier les pièces ou à négocier.
Le code civil dispose que « la prescription extinctive est un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps » (article 2219).
Mais vous devrez opposer ce moyen car la prescription ne s’applique pas de plein droit ! Il faut s’en prévaloir.
Attention : A bien éviter qu’une prescription ne prive votre adhérent du droit d’agir !
Quelques prescriptions à connaître :
- La prescription civile de droit commun est de 5 ans. « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (article 2224 du code civil)
- Mais certaines prescriptions sont particulières comme celle qui concerne la responsabilité des constructeurs (10 ans), la validité des titres exécutoires (ex : l’ordonnance d’injonction de payer) est également de 10 ans.
- Vous trouverez des prescriptions de 3 ans, comme par exemple dans le cadre d’un des litiges les plus répandus : le contrat de bail (loyers, charges.)
- Et des prescriptions biennales. Par exemple : en matière d’assurance, de crédit. La prescription biennale est d’ailleurs la prescription qui protège le consommateur face à un professionnel (pas l’inverse). Elle est prévue à l’article L 218-1 et L 218-2 du code de la consommation. Ce sera 2 ans également pour agir en garantie légale de vices cachés (à partir de la découverte du défaut) et de la garantie légale de conformité (24 mois à compter de la livraison).
- Vous trouverez également des prescriptions encore plus courtes. Pour les factures d’énergie, vous veillerez au délai maximum de 14 mois à partir de dernier relevé pour facturer.
- Pas d’action en révision d’un loyer après 1 an. Pas de réclamation après 1 an en matière de téléphonie ou d’internet.
Bref, vous ouvrez l’œil ! Si le temps a passé, il est possible que cela vous soit utile.
Attention à la forclusion. Le délai fonctionne différemment, il n’éteint pas le droit, il empêche d’agir.
Exemple : une société de recouvrement se manifeste pour le remboursement d’un crédit impayé vieux de 10 ans, c’est certainement un rachat de crédit. L’action est certainement forclose (après 2 ans) et aucune action en justice n’est possible contre votre adhérent. Mais s’ils obtiennent un règlement, même minime, le temps redémarre !
Autre exemple : votre adhérent s’est vu signifier par huissier de justice, une ordonnance d’injonction de payer. Il n’a que 30 jours pour réagir ! c’est la procédure. Alors, vous pourrez vérifier s’il a été signifié à personne (dans ses propres mains) ou à domicile (son conjoint par exemple) car il sera possible d’agir encore à la première mesure d’exécution (saisie…).
Bref, de nombreuses règles de sources différentes et une question complexe.
N’hésitez pas à solliciter votre national pour de plus amples informations ou de prendre conseil auprès de votre CTRC de région car les circonstances de fait auront de l’importance pour calculer le bon point de départ, vérifier qu’il n’y pas eu de suspension de délai, d’interruption…
Si le temps joue contre l’adhérent, il faut l’interrompre mais un simple courrier recommandé ou une mise en demeure ne suffira pas (1). Il vous faut conseiller une assignation en justice (même en référé).
(1) Pour information : il peut exister des exceptions. Par exemple, si l’adhérent est face à son assureur, la prescription est de 2 ans (dans les deux sens) et elle peut s’interrompre par LRAR, c’est le code des assurances qui le prévoit.
5. L’IMPORTANCE DE LA PREUVE
“Avoir raison sans preuve, c’est avoir tort”. Vous perdrez des dossiers pour cette unique raison.
C’est à celui qui prétend quelque chose d’en faire la démonstration. On appelle ça « la charge de la preuve » et elle est souvent lourde de conséquence. « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouve. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation » (article 1353 du code civil).
Exemple : Votre adhérent exige la livraison d’un bien commandé, le professionnel prétend l’avoir déjà fait, il doit en présenter la preuve (bon de livraison signé…).
Attention : il existe quelques exceptions à la règle (ex : inversion dans le cadre de la garantie légale de conformité. C’est le professionnel qui prouve !)
Si le dossier manque de preuves, il vous appartiendra de guider votre adhérent pour qu’il s’en procure.
Il faut apporter la preuve de l’existence du contrat et de son contenu. Vous demanderez à lire le document comportant les 2 signatures. Pour un contrat dont l’enjeu dépasse 1500 €, l’écrit est une obligation.
À défaut, d’autres types de preuves peuvent être produites. Tels que des témoignages écrits de tiers qui devront rédiger une attestation en ce sens qui respectera les formes exigées par la loi (avec copie de la carte d’identité). Mettre un modèle d’attestation sur l’honneur dans les outils. INC
Vous demanderez à l’adhérent de vous confier les traces écrites (contrats, factures, etc.) mais aussi des échanges (courriel, courrier postal). Vous utiliserez tout écrit du professionnel qui rend vraisemblable ce que l’adhérent affirme. Ce sera un commencement de preuve par écrit.
Le constat d’huissier de justice. Un huissier est un officier public, ses constatations ont une valeur particulièrement probante pour un juge. Elles ne peuvent être contredites que par contestation de faux en écriture. C’est payant mais efficace.
La preuve sera parfois technique, par exemple pour démontrer un vice caché. Vous penserez à l’attestation sur l’honneur d’un professionnel, à une expertise technique.
Demandez à votre adhérent s’il dispose d’une assurance « protection juridique ». Elles peuvent financer des expertises, ce qu’une association de consommateurs ne peut pas faire.
INFO PRATIQUE N° 5 – Tenue de permanence – Le traitement juridique – 23 février 2021