Règlement sur l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (SUR)

32 ONG et associations appellent la France à réaffirmer la nécessité d’une adoption rapide du SUR
et à s’opposer à une nouvelle d’impacts qui ralentirait les discussions

 

A l’attention d’Elisabeth Borne, Première Ministre
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France
Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention
Copie aux Président.es des Commissions de l’agriculture, de l’environnement et de la santé du Parlement
Paris, le 6 décembre 2022

Objet : Règlement sur l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (SUR) et étude d’impacts

Madame la Première Ministre,
Messieurs les ministres,

Nous vous envoyons ce courrier du fait de notre très grande inquiétude sur l’avenir de la proposition de la Commission européenne pour un règlement sur l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (SUR). Vous le savez, cette proposition s’inscrit dans le cadre du Green Deal européen et de la stratégie Farm to Fork, ainsi que de la loi sur la restauration de la nature. C’est une première étape dans la réduction urgente de l’utilisation des pesticides qui impactent fortement notre santé, la qualité de l’eau et la biodiversité.

Les attaques continues contre cet important texte législatif menacent de réduire à néant le travail que la Commission, le Conseil et de nombreuses organisations mènent depuis longtemps sur ce règlement. Certains intérêts particuliers de l’industrie agroalimentaire tentent d’édulcorer le règlement SUR et de retarder son adoption.

Suite à la demande de retrait de ce règlement et à l’annonce de certains d’États membres prévoyant de demander à la Commission une étude d’impact supplémentaire, nous exprimons nos inquiétudes quant aux conséquences d’un tel retard dans l’adoption du règlement, car il est probable que le processus d’adoption ne serait alors pas finalisé d’ici la fin du mandat de cette Commission en 2024.

Nous appelons la France à réaffirmer la nécessité d’une adoption rapide du SUR. Nous savons que notre pays ne souhaite pas que l’adoption du texte prenne du retard. Nous devons nous opposer à une nouvelle d’impacts qui ralentirait les discussions et nous comptons sur vous pour convaincre d’autres États membres à vous suivre en assurant la Commission de votre soutien. Ce texte législatif est crucial pour mettre en œuvre les stratégies de la ferme à la fourchette et de la biodiversité, ainsi que le plan d’action zéro pollution, et est la clé pour atteindre les objectifs du Green Deal – un plan que la France a explicitement salué.
Vous le savez, la révision de texte est une première étape indispensable dans la réduction urgente de l’utilisation des pesticides.
Il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse supplémentaire des impacts, car l’étude d’impact a déjà été approuvée par le comité d’examen de la réglementation. Le fait que cela ait été fait avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’a aucune incidence sur la validité de cette analyse. De plus, l’adoption de SUR par le législateur et son entrée en vigueur ultérieure prendraient probablement jusqu’à fin 2023 et 2024 respectivement, même si les négociations commençaient immédiatement. Par conséquent, les effets de cette législation n’auraient aucune conséquence sur la crise actuelle due à la guerre en Ukraine.

La sécurité alimentaire dans l’Union européenne n’est pas menacée en raison de la guerre en Ukraine. Ce qui menace réellement la sécurité alimentaire mondiale, c’est le modèle actuel de production agricole intensive qui détruit les ressources naturelles de base pour la production alimentaire – les sols et la biodiversité. Comme l’ont souligné des organisations de la société civile et plus de 660 scientifiques et autres experts des systèmes alimentaires, le report et la dilution des actions environnementales, telles que les objectifs de réduction des pesticides proposés dans le cadre du SUR, ne feraient que nous éloigner davantage de la sécurisation de la production alimentaire à long terme et de la résilience face aux menaces comme le changement climatique et la crise de la biodiversité. L’utilisation massive de pesticides de synthèse a déjà un impact très négatif sur la santé humaine ainsi que sur la biodiversité dont les pollinisateurs, la qualité de l’eau et des sols – en d’autres termes : sur la base de notre production alimentaire.

Le nombre croissant d’agriculteurs passant à l’agroécologie confirme les preuves scientifiques – une production alimentaire sans pesticides de synthèse se traduit par une amélioration de la santé, une augmentation de la fertilité des sols et une restauration de la biodiversité. En s’éloignant du modèle dominant dont les externalités négatives sont avérées, la résilience économique des agriculteurs est accrue, grâce à l’acquisition de l’indépendance vis-à-vis de l’agro-industrie.

Un retard ou même une non-adoption de SUR ignorerait non seulement les recommandations scientifiques, mais aussi les demandes de plus d’un million de citoyens de l’UE qui ont participé à l’initiative citoyenne européenne «Save Bees & Farmers» pour qui le sujet des pesticides est clairement une grande préoccupation. Au-delà du dossier, l’absence d’action efficace ébranlerait également leur confiance dans les institutions européennes et nationales.

Au lieu de s’opposer fondamentalement à la proposition, il faut discuter de son contenu. Nous soulignons en particulier l’importance de mettre en place une véritable lutte intégrée contre les ravageurs (IPM) – basée sur des mesures préventives, des rotations de cultures plus longues, la diversification des cultures, l’utilisation de cultivars résistants, la surveillance et les contrôles biologiques. Le SUR doit veiller à ce que l’IPM soit mis en œuvre à grande échelle, car il est obligatoire depuis 2014, mais une application correcte dans les exploitations européennes n’est toujours pas la norme. Une bonne mise en œuvre de la IPM conduit à une réduction significative de l’utilisation de pesticides, remplissant ainsi une grande partie des obligations de l’État membre en vertu du SUR, tout en préservant et en améliorant la biodiversité et les mieux dans le périmètre de l’exploitation.

Nous vous demandons donc instamment de vous opposer à une étude d’impacts supplémentaire qui entrainerait un retard de la mise en œuvre du règlement SUR au niveau de l’UE. Les décideurs de l’UE doivent être à la hauteur de leurs responsabilités et écouter la science indépendante ainsi que les citoyens de l’UE qui expriment leur inquiétude concernant l’utilisation des pesticides dans le baromètre de l’UE (tout particulièrement en France sur le sujet de la présence de résidus de pesticides dans les aliments) et l’initiative citoyenne européenne Save Bees and Farmers.

Sachant pouvoir compter sur votre engagement, nous vous prions Madame la Première Ministre,
Messieurs les ministres, d’agréer nos salutations respectueuses.

Signataires (par ordre alphabétique)
Aidons Marina, Stéphanie Ville, Présidente
Alerte des Médecins sur Les Pesticides AMLP, Pierre-Michel Perinaud, Président
Association Henri Pézerat, Santé, travail, environnement, Annie Thébaud-Mony, Présidente
Association pour la protection de la santé des habitants de Saint-Omer, Dr. Philippe Richard,
président
Association santé environnement provence (ASEP), Alain Collomb
Bee Friendly, Bertrand Auzeral, président et apiculteur professionnel
Bio consom’acteurs, Julie Potier, directrice
C2DS, Véronique Molieres
Cantine sans plastique, Tania Pacheff
Combat Monsanto
CNAFAL, François Vetter
Collectif Air-Santé-Climat, Dr Bourdrel Thomas
Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’ouest, Michel Besnard – président
Collectif Je Suis Infirmière Puéricultrice, Karine Pontroué
Collectif REGARDS, Laurent LALO
Combat Monsanto
Eva pour la vie, Corinne Vedrenne, Présidente
Fédération Grandir Sans Cancer, Stéphane Vedrenne, Président
Foodwatch France, Karine Jacquemart, Directrice
Générations Futures, François Veillerette, porte-parole
Greenpeace France, Jean-François Julliard, Directeur
Hhorages, Marie-odile GOBILLARD, Présidente
Indecosa-cgt, Arnaud Faucon
Ligue Nationale contre l’Obésité, Jean-Philippe Ursulet, Directeur Général
Nature & Progrès, Philippe Piard, paysan, co-président Secrets Toxiques
Poem26, Catherine Neyrand
PRIARTEM, Sophie Pelletier, Présidente
Réseau Environnement Santé (R.E.S), André Cicolella, Président
Santé sans onde, Sylvie Hermans
SOS MCS, association d’aide et de défense des personnes atteintes du syndrome d’hypersensibilité
chimique multiple
Stop aux Cancers de nos Enfants, Marie Thibaud, Fondatrice
Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF), Christian Pons, Président
WECF-France, Sylvie PLATEL,  Responsable Plaidoyer Santé Environnement