Partenariat O2CD
INDECOSA-CGT
Congo Brazzaville
16 au 23 Avril 2023
Cadre de mission
Depuis son origine, INDECOSA s’est engagée dans des actions à l’international. Essentiellement tournée vers les sujets de consommation, c’est d’abord vers l’Europe que s’est orientée cette coopération avec la présence régulière de représentants d’autres pays lors de nos colloques et initiatives.
Avec le développement de l’UE, cette coopération s’est paradoxalement émoussée, occultée en grande partie par l’approche juridique des dossiers (rappelons que plus de 70 % de la législation française en matière de consommation vient des structures de l’UE).
Pour autant, INDECOSA y a conservé des liens forts, et même la capacité d’y mener des dossiers importants, comme lors de notre dossier sur les phtalates en 2019 – 2020.
C’est pourtant vers l’Afrique que nos contacts se sont renforcés au cours de l’année 2022, notamment en direction de la République du Congo (dite aussi Congo Brazzaville) et du Sénégal.
Après plusieurs échanges en visio, l’O2CD (l’Observatoire Congolais des Droits des Consommateurs) nous a proposé de nous inscrire dans une opération majeure pour eux : la réalisation d’un forum devant aboutir à la rédaction d’une charte des patients. Bien plus qu’un simple document formel, cette initiative prend place dans la volonté de l’État congolais de mettre en œuvre une couverture d’assurance maladie universelle et des questions liées aux évolutions qu’une telle couverture produira dans la société civile.
Au cours du forum, nous sommes invités à témoigner de notre expérience dans la représentation des patients en France. De plus, l’O2CD est également très intéressé par nos formations, en pratiques comme en contenus.
L’ambassade de France nous appuiera matériellement pour l’exécution du projet.
Séjour
Lors de notre présence à Brazzaville, en 6 jours, nous mènerons pas moins de 5 entretiens et suivrons ou produirons près de 20 interventions.
Si cela ne peut en aucun cas donner prétention à saisir une société (quelle qu’elle soit) dans son ensemble et sa complexité, une telle intensité nous offrira une vision globale qu’il nous aurait été impossible d’acquérir sans nous rendre sur place.
La société congolaise est basée sur une logique de survie économique constante où les règles fixées sont vécues comme autant d’entraves à l’assurance d’un revenu.
Le pays dispose de nombreuses infrastructures, à commencer par un appareil d’état qui nous a semblé assez complet, mais celles-ci présentent de très nombreux dysfonctionnements. De ce fait, elles sont plus perçues comme des ponctions financières par la population qui entretient une profonde défiance à leur égard.
Ce qui nous frappera rapidement dans l’attitude des usagers, sera la volonté systématique de recourir à des sanctions pénales dans les litiges qui les opposent avec des professionnels, des particuliers et des institutions. L’absence de cadre structuré rend inopérante la démarche de médiation. Nous aurons pourtant régulièrement à rappeler l’importance de tels mécanismes, notamment pour construire une relation apaisée entre professionnels et usagers. Si certains témoignages reçus relevaient sans conteste du pénal, bien au-delà de toute idée de médiation, nous avons également rencontré des professionnels qui nous ont paru investis d’une profonde déontologie et manifestement en souffrance face à leur image auprès des populations. Avec de telles personnes, un mécanisme d’échange et de construction positive du droit des usagers paraît bien plus prometteur que le recours systématique à une justice qui ne paraît pas fonctionner beaucoup mieux que le reste (nous avons rencontré une ONG qui œuvrait dans ce domaine à notre hôtel et c’est ce qui ressortait de nos échanges).
Le manque de moyens mis à disposition par les autorités publiques condamne en permanence les acteurs de la société civile à trouver d’autres ressources. Dans ce cadre, la Banque Mondiale fait figure de structure de financement bienvenue. Pour autant, son action s’inscrit dans la logique libérale qu’on lui connaît bien, assortie d’indicateurs quantitatifs et d’un principe d’incitation par primes si cher au libéralisme. Même si les organisations du Congo ne sont pas dupes, quelles alternatives se posent à elles ?…
Le pays marque une sincère volonté d’évolution vers un État moderne, mais le manque de moyens alloués fragilise celle-ci. Il en est ainsi du CHU qui supprime l’accompagnement familial sans avoir le personnel formé pour palier à ce manque, comme de la mise en place d’une couverture d’assurance maladie universelle sans moyens éducatifs pour sortir des logiques de prédations financières en place depuis des décennies.
Dans ce contexte, l’O2Cd n’a pas d’autre option que de se placer dans toute opportunité d’action qui se présente. Le Ministère de la Santé avait ainsi annoncé attendre un projet de rédaction d’une charte des patients et une feuille de route pour sa mise en œuvre. Le gouvernement demande également une réflexion autour de la composition, du suivi et du fonctionnement des comités des usagers. Il était donc essentiel que le forum débouche sur de telles productions.
Si notre présence appuyait essentiellement la démarche de l’O2CD par l’implication d’une association française agréée en consommation et en santé, nous avons pu intervenir sur deux aspects essentiels. D’abord la nécessité de placer les représentants des usagers dans une logique de médiation et non de rétorsion pénale comme plusieurs participants l’ont directement ou non exprimé. Ensuite celle de travailler avec des corps constitué représentatifs des personnels de santé (des syndicats). Sur ce deuxième point, nous avons bien perçu que ceux ci disposaient d’une image très négative auprès du public, étant souvent perçus comme uniquement corporatistes, quand ce n’était pas inféodés aux autorités du pays. Pourtant, nous restons attachés à une construction commune usagers /professionnels, et nous l’avons redit à plusieurs reprises.
Le forum est revenu en détail sur les enquêtes préalables de terrain, les initiatives de la Banque Mondiale, la mise en oeuvre de la Caisse d’Assurance Maladie Universelle (CAMU) et une autre charte, celle des sages femmes, profession particulièrement exposée à la vindicte de par les taux toujours élevés de mortalité infantile encore enregistrés, et les violences dont sont victimes les femmes (et tout spécifiquement les femmes enceintes) dans le système médical.
Il s’est clôturé en validant tous les objectifs fixés par le Ministère de la Santé. Redisons le, le travail fourni en amont par l’O2CD était particulièrement impressionnant, et la volonté des acteurs du forum d’aboutir aux résultats escomptés manifeste. La question des moyens aurait pu être davantage explorée dans le texte final, mais cette « lacune » révèle plus une conviction de l’O2CD qu’il leur faudra chercher par eux mêmes ces moyens sans attendre qu’ils soient octroyés par l’autorité de santé. L’Observatoire cherchait un cadre d’assentiment politique pour y parvenir, maintenant, il lui faut trouver des moyens opérationnels. Pour cela, il a d’ores et déjà prévu de faire appel à de multiples acteurs.
Conclusions
Avant de quitter le pays, nous conclurons quelques derniers entretiens.
D’abord avec les représentants des comités de santé, qui seront indispensables pour donner une réalité d’existence de terrain à la Charte. Ces comités agissent dans le plus total dénuement mais présentent aussi des besoins d’organisation, de structuration, dont nous verrons si, directement ou via des relais, nous sommes à même d’apporter quelques réponses.
Ensuite avec l’Ambassade de France avec laquelle nous redirons notre volonté de nous inscrire dans une démarche durable. Par exemple, nous envisageons désormais d’inviter deux membres de l’O2CD à venir faire une formation en France sur des thèmes touchant à la santé ou encore à la pédagogie.
Puis avec le REDYCC, héritier du dispositif mis en place pendant plusieurs années par le Comité Français de Solidarité Internationale, que nous venions tout juste d’intégrer avant cette mission. Là encore, la principale difficulté réside dans le manque de moyens matériels et il nous faudra échanger sur ces points avec le CFSI lors de nos prochaines rencontres.
Enfin nous reverrons l’association des sages femmes, avec laquelle nous échangerons autour d’un projet de diffusion de leur Charte, soutenu par l’O2CD, projet pour lequel nous pourrions apporter un appui conceptuel et en termes de plaidoyer auprès des financeurs potentiels.
Notre séjour s’achèvera par une signature d’une convention de partenariat entre INDECOSA et O2CD. Ce partenariat permettra la venue de représentants de l’O2CD en France dans le cadre de nos formations de Santé. De plus, il nous invite à relayer nos actions mutuelles et d’appuyer les projets de chaque organisation sur le pays de l’autre.
Outre les projets évoqués plus haut, des coopérations sur le thème de l’alimentation et de la résilience face aux changements climatiques pourrait être envisagée, de même que des échanges d’informations sur la contrefaçon de médicaments, ou encore des rencontres autour de la fast fashion et de la perception de la jeunesse congolaise sur les enjeux de la consommation et de l’environnement.
Redisons ici les conclusions de notre rapport :
« INDECOSA-CGT a pleinement sa place dans l’action internationale qui peut (re)devenir un marqueur fort de notre identité, pleinement compatible avec nos capacités matérielles, financières et organisationnelles. Cette action a un sens profond : celui du développement Humain, en tous lieux et pour tous, essence même de notre action, en rance comme ailleurs. »
François Billem – Animateur du pôle international d’Indecosa CGT