Communiqué inter-associations
Malgré les mises en garde des associations et acteurs du secteur de l’énergie, aucun dispositif viable n’a été mis en place pour remédier aux problèmes d’attribution du chèque énergie à la suite de la disparition de la taxe d’habitation et permettre à des millions de nouveaux ménages de bénéficier du chèque énergie en 2024. En cas d’adoption de l’article 60 du projet de loi de finances 2025, il sera mis fin à l’automatisation de l’envoi du chèque énergie, cette aide qui ne concerne que les ménages très modestes, et pour qui le chèque énergie constitue un impératif budgétaire. Les contraindre à en faire désormais la demande sur une plateforme aura pour effet d’exclure, pour non-recours, un grand nombre d’entre eux du dispositif.
Madame la Députée, Monsieur le Député,
Les organisations de défense des consommateurs, les associations ou fédérations soussignées souhaitent attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent les consommateurs les plus fragiles pour l’obtention du chèque énergie auquel ils peuvent prétendre, en raison de la faiblesse de leurs ressources (environ 20 % des ménages, soit 5,6 millions). Cela concerne à la fois l’attribution des chèques 2024 et également celle des chèques 2025 du fait de la modification envisagée du dispositif qui figure dans le projet de loi de finances 2025 (cf. article 60). Seule l’action des parlementaires pourra améliorer le dispositif ainsi prévu dans le cadre des prochaines discussions se rapportant au projet de loi de finances précité.
Rappelons qu’en 3 ans, le TRVE (tarif réglementé de vente de l’électricité) a augmenté de 70% HT, et de 81% sur les 5 dernières années, soit une hausse moyenne de 15% par an.
Dans ce contexte, le montant du Chèque Energie, dispositif créé par la loi TECV en lieu et place des anciens tarifs sociaux, n’a pas augmenté depuis 2019, malgré une inflation conséquente.
Depuis la création de ce dispositif d’aide au paiement des factures d’énergie, les services de l’Etat ont pris conscience de la nécessité de l’automatiser, comme c’était le cas auparavant pour les tarifs sociaux. En avril 2023 on comptait ainsi presque 50% de chèques pré-affectés auprès d’un fournisseur choisi par le ménage.
Mais ces mêmes services n’ont pas suffisamment anticipé les conséquences de la disparition de la taxe d’habitation, qui définissait le nombre d‘unités de consommation, croisé avec le revenu fiscal de référence pour établir l’éligibilité au chèque et son montant.
Dans un premier temps, un projet de décret relatif à la campagne « Chèque Energie 2024 » prévoyait de verser un chèque du même montant qu’en 2023 à tous les ménages qui en avaient bénéficié cette année-là, suscitant une levée de boucliers. En effet, les nouveaux bénéficiaires se trouvaient exclus du dispositif.
Le Ministre de l’Economie et des Finances, interrogé le 5 février 2024 dans l’émission « C à vous » à la suite de la publication d’un communiqué de presse signé par 12 organisations de consommateurs (Chèque énergie : 1 million de nouveaux bénéficiaires passeront-ils leur tour ?) répondait : « Les associations ont bien fait de réagir, bien fait de signaler le problème, nous l’avons réglé, il n’y aura pas de perdant ».
Le dispositif mis en place pour permettre à ce million de nouveaux bénéficiaires que l’on voit apparaître chaque année (de même qu’un million chaque année, n’en bénéficie plus) d’obtenir leur chèque consiste en une plateforme numérique ouverte le 4 juillet 2024. Dès la première présentation de ce projet de guichet de rattrapage, nos organisations ont émis des doutes sérieux sur son efficacité dans la mesure où en 2022, une plateforme similaire avait été créée pour y demander l’octroi de chèques exceptionnels fioul ou bois et n’avait recueilli qu’environ 16% des inscriptions envisagées par les services fiscaux.
Le constat présenté tout début octobre par la DGEC (Direction Générale Energie Climat) montre que seuls 3% des nouveaux ayants droit potentiels ont obtenu un chèque via la plateforme. 110 000 demandes ont ainsi été émises, 31 500 ont été acceptées, parmi lesquelles 30 000 sur le 1 million originellement concerné.
Nos associations attendent au minimum une prolongation de la durée de vie de la plateforme, dont la fermeture est prévue le 31 décembre 2024, ainsi qu’une information massive des consommateurs dans les médias publics. Il ne serait pas acceptable que l’absence d’information de nos concitoyens et leur difficulté à utiliser l’outil numérique les prive de cette aide, alors que l’on constate une hausse de la précarité énergétique en France.
Nos organisations avaient proposé, en attendant de faire mieux, et pour ne pas pénaliser des ménages qui ne sont pour rien dans l’impasse provoquée par la suppression du fichier de la taxe d’habitation, d’attribuer le chèque énergie sur la base du revenu fiscal de référence croisé avec le nombre de parts fiscales.
Le dispositif de substitution proposé pour la campagne 2025 repose sur la communication du numéro de PDL (point de livraison de l’électricité à 14 chiffres) et du numéro fiscal (13 chiffres), par chaque titulaire d’un contrat d’électricité, sur une nouvelle plateforme numérique. Nous estimons que ce dispositif laissera à nouveau de côté de nombreux ménages en raison d’une hausse considérable du taux de non-recours, au bénéfice d’une économie substantielle pour le budget de l’Etat et une aggravation de la situation financière des ménages les plus fragiles. Nous demandons qu’à titre transitoire, notre proposition initiale soit à nouveau étudiée. Car entre le risque de subventionner l’énergie d’une poignée de ménages au-dessus des plafonds et celui de perdre près d’un million de ménages précaires avec la mise en place de la plateforme c’est à nos yeux le premier choix qui prévaut. Mais c’est le deuxième, celui d’exclure près d’un million de ménages, qui a été fait en 2024.
Aujourd’hui, le bouclier tarifaire arrive à son terme et le chèque énergie doit être revalorisé face à la forte inflation et à la hausse attendue des taxes, pour apporter l’aide requise aux ménages les plus modestes et faciliter les efforts de sobriété concernant les autres ménages.
Même dans un contexte économique difficile, l’Etat se doit de protéger les plus faibles de nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle nous nous tournons vers vous, en espérant que votre action au service des Français se traduira par une évolution du dispositif dès 2025.
Nous privilégions la solution consistant à utiliser les données déjà en possession des services fiscaux, à savoir le revenu fiscal de référence et les parts fiscales, qui permettraient de régler provisoirement la question de l’accès au chèque énergie.
Pour les campagnes suivantes, si elles reposent sur le croisement du PDL avec le revenu fiscal de référence, nous pensons qu’il est indispensable que les prochaines déclarations de revenus, en ligne comme sur papier, permettent d’alerter les ménages sur le fait qu’en raison de leur niveau de revenu, ils pourraient être éligibles au chèque énergie, et les invitent à saisir leur numéro de PDL directement pour vérifier cette éligibilité.
Cela nécessitera sans doute des amendements dans le Code général des impôts, nous restons disponibles pour approfondir ce sujet avec vous.
Comptant sur votre mobilisation, nous vous prions de croire, Madame la Députée, Monsieur le Député, en l’expression de nos respectueuses salutations.
Signataires : ADEIC (Association de défense et d’information des consommateurs) – AFOC (Association Force Ouvrière consommateurs) – ALLDC (Association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs) – CLCV (Confédération logement cadre de vie) – Réseau CLER – CNAFAL (Conseil National des associations familiales laïques) – CNAFC (Confédération nationale des associations familiales catholiques) – CNL (Confédération nationale du logement) – CSF (Confédération syndicale des familles) – Familles de France – Familles Rurales – FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et des régies) – Fondation Abbé Pierre – Indecosa-CGT – Secours Catholique – ULCC (Union laïque et citoyenne des consommateurs).