In Magazine N° 189 – Janvier / Février 2020
Sommaire
Éditorial
Reconquête
Symboliquement, le passage d’une année à l’autre marque une rupture. Cette fois-ci nous ressentons intuitivement que nous entrons dans une période charnière de l’histoire humaine nous rappelant cruellement que nous ne maîtrisons rien, que les civilisations ne sont pas immortelles. La période que nous vivons cristallise ce qui était en germe durant des années. Elle nous passe la facture environnementale, sociale, économique et géopolitique. Il ne nous reste plus qu’à éviter qu’elle ne s’alourdisse.
Les incendies en Australie ont pour conséquences de nombreuses victimes humaines et la disparition de millions d’espèces. La Grèce, le Portugal et la Californie ont brûlé dans l’indifférence générale.
En France, nous avons pu constater la sécheresse tragique de l’été 2019, la fragilisation des espèces animales et végétales. Nous savons tous, désormais, que la préservation d’une planète habitable est un enjeu majeur. Il faut sortir de l’apitoiement pour penser réellement les réponses politiques. Il nous faut dépasser les bonnes résolutions individuelles, et définir l’organisation économique et les circuits de productions qui permettront d’enrayer la catastrophe. Or, la crise sociale qui se manifeste sous diverses formes en France et dans les pays développés, relève d’un processus similaire à ce qui détruit les écosystèmes.
La dérégulation, la libéralisation des flux de capitaux et de marchandises, en un mot le libéralisme, voici les causes dont nous voyons aujourd’hui les ravages. Nous avons externalisé notre pollution en même temps que nous détruisons nos industries et nos emplois. Aujourd’hui un aliment parcourt en moyenne 3 000 km avant d’arriver dans nos assiettes, soit 25% de plus qu’en 1980. De plus, la globalisation, c’est-à-dire un immense marché mondial, permet l’accentuation de la division du travail et la mise en concurrence de tous les systèmes et de tous les travailleurs.
La bataille actuelle sur les retraites n’est pas celle de la suppression des régimes spéciaux ou de la diminution continuelle des pensions.
Elle se joue plutôt entre deux visions de l’humanité. Ainsi la CGT, depuis la création de la Sécurité Sociale en 1946 agit dans les luttes pour la retraite comme continuité du salaire. Ce qui était le cadre originel de la retraite “des vieux” travailleurs n’a jamais été pleinement acquis.
La retraite comme continuité du salaire va beaucoup plus loin qu’un système comptable. Elle s’accompagne d’une vision de l’humanité alternative au capitalisme, car elle revendique l’attribution d’un salaire pour ce qu’on est, un citoyen ayant atteint un certain âge, et non pas comme contrepartie des cotisations passées. Cette déconnexion horrifie le patronat et son serviteur le gouvernement, car elle envisage la possibilité que nous puissions nous-mêmes décider que nous avons le droit à la retraite, et nous donner ainsi les moyens de vivre et de produire sans eux.
Dans nos luttes d’aujourd’hui et de demain, gagnons la vie à taux plein.
Patrice Bouillon, Secrétaire national