Énergie

Lignes directrices relatives aux pratiques des fournisseurs de gaz et d’électricité

Publié le 17 juin 2024

Contribution des organisations de consommateurs auprès
de la Commission de régulation de l’énergie (CRE)

 

 

Les organisations signataires de cette contribution saluent le travail réalisé par la CRE et sa volonté de sécuriser le parcours client avant, pendant, et en fin de contrat de fourniture d’énergie.

Beaucoup de propositions vont dans le bon sens. Nous sommes cependant dubitatifs quant à la typologie des offres telle que proposée, dans la mesure où celle-ci sera difficilement compréhensible par les consommateurs. Il nous apparaît en outre que les enjeux majeurs pour la bonne information, et la protection des consommateurs, ne sont pas explicités, raison pour laquelle nous listons les points qui nous semblent essentiels pour comprendre et maîtriser les choix en matière de contrat de fourniture.

Nous attirons l’attention de la CRE, qui envisage que ces propositions puissent ultérieurement être reprises par voie réglementaire, sur le fait qu’une fois adoptées par les fournisseurs dans le cadre d’une charte d’engagement volontaire, certains d’entre eux pourraient s’opposer à une traduction plus contraignante. Nous n’ignorons pas la réticence de certains fournisseurs à cet égard, et il serait tout à fait regrettable que le calendrier envisagé par la CRE vienne percuter une proposition législative sur le même sujet, ce qui est à craindre compte-tenu les annonces ministérielles devant le Sénat, à savoir un projet de loi pour la fin 2024.

Nous considérons par conséquent que ce travail intéressant devrait plutôt s’insérer dans une démarche à visée législative, directement, plutôt que dans une étape fondée sur la bonne volonté des fournisseurs.

Enfin, nous nous interrogeons sur les moyens envisagés par la CRE pour assurer une veille qui permette de s’assurer de la bonne mise en œuvre des lignes directrices, et sommes favorables à la publication des noms des entreprises qui ne respecteraient pas leurs engagements, c’est en effet un argument de poids.

Périmètre des consommateurs concernés

La flambée des prix de l’énergie a mis en lumière la vulnérabilité de certains consommateurs professionnels, collectivités locales et entités institutionnelles, les Organisations de Consommateurs sont en accord avec la proposition de la CRE de les inclure dans le périmètre de ces lignes directrices. Il faudra veiller à ce que toutes les propositions qui suivent soient adaptées à ces professionnels, sans oublier ceux qui pourront bénéficier des tarifs réglementés à compter du 1e février 2025 (loi du 11 avril 2024).

Mise en œuvre des propositions

Sauf à ce que soit clairement justifié qu’un délai de 3 mois pour la mise en œuvre des lignes directrices n’est pas techniquement tenable, nous aurions souhaité un intervalle beaucoup plus réduit entre engagement et mise en œuvre. Sinon, cela nous ramènera à l’écueil évoqué plus haut : une charte qui percute un projet de loi.

Proposition 1démarchage : Il y a quelques années, les Organisations de Consommateurs s’étaient massivement prononcées en faveur de la fin du démarchage en matière d’énergie, qu’il soit à domicile ou téléphonique. Nous souhaitons que cette interdiction s’applique à l’intégralité des consommateurs, et pas seulement aux plus vulnérables. Du reste, sur quels éléments pourrait se fonder un fournisseur pour évaluer, sans contestation possible, le niveau de vulnérabilité des personnes qu’il souhaite démarcher ? Une telle analyse ne pourrait se fonder que sur des données personnelles et a priori confidentielles, cela n’est pas envisageable.

Proposition 2typologie des offres : Si le souci est d’informer clairement les consommateurs, la solution figurant en proposition 2 ne nous semble pas y répondre. Nous craignons que la complexité des diverses dénominations rebute le lecteur. La subtilité de différenciation de certaines offres (notamment « part€/kWh fixe » par rapport à « part €/kWh hors acheminement fixe » laisse perplexe.

Une offre qui n’est que partiellement fixe pourrait aussi bien être dénommée offre variable… C’est l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein !

Nous estimons par ailleurs que les offres « part€/kWh fixe hors écrêtement ARENH » ne sont pas en réalité des offres fixes, cette caractérisation est totalement trompeuse pour certains consommateurs, tels que les copropriétés ou professionnels notamment qui en subissent les effets aujourd’hui.

Près de 3 pages de définitions, c’est beaucoup, et ça ne va pas à l’essentiel : Pour nos organisations, il conviendrait de rappeler les points les plus significatifs pour les consommateurs que sont par exemple :

Les notions de court terme et de long terme, et leurs déclinaisons et conséquences par rapport aux différentes offres

  • Les offres tarifaires disposant d’un lissage sur 24 mois comme le TRVE, dont l’avantage est de donner de la visibilité et de la stabilité,
  • Les offres à prix fixe (en totalité) sur une durée déterminée,
  • Les offres de marché davantage assises sur le court terme, qui ne garantissent pas la même stabilité, mais peuvent répondre à d’autres choix que la sécurité,
  • Les offres à tarification dynamique et leurs déclinaisons : prix journaliers ou horaires liés au marché spot, ou offres à effacement.
  • En cas d’indexation, la mention des indices utilisés et de la référence tarifaire

– L’essentiel est que les consommateurs comprennent qu’ils ont le choix entre opter pour des offres de type TRVE ou PRVG, qui reposent largement sur des contrats d’approvisionnement long terme et bénéficient d’un lissage qui garantit une meilleure stabilité des prix, ou opter pour une offre de marché qui sera peut-être moins coûteuse à l’usage, mais avec des garanties de stabilité moindre.

Ce raisonnement suppose évidemment que l’on veille dans la construction des offres à traiter les questions de concurrence des cycles de prix court terme/long terme. Le risque étant d’effacer progressivement les différenciations au bénéfice des offres de court terme, en rendant les offres de long terme plus difficile à construire et à proposer aux consommateurs. L’option « offre à prix fixe » constituant une troisième possibilité, elle offre un bon niveau de stabilité mais pour une période limitée, à condition que le terme « prix fixe » ne soit pas dévoyé.

Pour les organisations signataires, il ne s’agit pas d’opposer les différents types d’offres, mais bien de faire perdurer la possibilité de choix encore offerte aux consommateurs, telles que mentionnées ci-dessus, grâce à une information claire et simple, à la portée du plus grand nombre. Etant entendu que la France se doit de maintenir une offre tarif réglementé de l’électricité qui demeure des plus compétitives s’agissant d’un bien consacré comme essentiel par le code de l’énergie lui-même.

Proposition 3 : mise en place de fiches descriptives harmonisées des offres

Ces fiches figurant en annexe sont très similaires à celles qui ont été tout d’abord élaborées dans les premières années d’ouverture du marché par le groupe de travail ad hoc de la CRE, puis modifiées et adaptées au fil du temps.
Nombre de nos représentants ont participé à l’élaboration de ces fiches, construites à partir du modèle préexistant dans le secteur des télécommunications, nous avons toujours été favorables à un tel cadre qui permet de comparer les offres entre elles sur la base de critères identiques.
Il ne faut pas oublier dans ces fiches les éléments qui concernent les professionnels visés par le projet de lignes directrices, et en particulier si un dépôt de garantie est demandé, si des frais de résiliation sont prévus, ou encore la question des trop-perçus.

Proposition 4 : Estimation de la facture annuelle avant souscription

Nous sommes bien évidemment favorables à ce que les consommateurs puissent disposer d’une telle estimation, à la condition que la méthodologie soit identique pour tous les fournisseurs et toutes les offres, dans un souci de comparabilité.
Etant entendu qu’il faudra mettre l’accent sur le fait qu’une estimation n’a pas valeur de certitude, suivant les fluctuations du marché ou même les changements de comportements du consommateur.
Il est donc indispensable, pour éviter tout malentendu ou contestation, que les éléments d’usage qui ont servi à l’estimation soient clairement mentionnés dans la proposition contractuelle.
Enfin, il ne faut pas négliger le fait que les consommateurs sont plus sensibles à l’indication des mensualités que de la facture totale. Les deux éléments devraient être mentionnés sur le support d’information.

Proposition 5 : affichage du prix

Nos organisations considèrent en effet que l’information sur les prix est essentielle, elle constitue l’un des piliers de la construction d’un contrat. En l’absence d’une telle information au moment de la consommation, le client qui a choisi une offre où les prix varient très fréquemment n’est pas en mesure d’utiliser valablement les potentiels d’une telle offre et notamment le signal prix. Nous sommes donc favorables à cette proposition.

Proposition 6 : Obligation d’un conseil tarifaire à la souscription

S’il s’agit de transformer le « devoir de conseil » inscrit dans les textes en « obligation de conseil tarifaire », nous ne pouvons que souscrire à une telle proposition, tout en estimant qu’il sera bien difficile d’en contrôler l’effectivité. Dans ce cas, il conviendrait que lorsqu’un consommateur reproche à son fournisseur de ne pas lui avoir conseillé l’offre la plus adaptée à ses besoins, il revienne au fournisseur d’apporter la preuve qu’au contraire, il a bien respecté cette obligation… La charge de la preuve incombant comme habituellement au professionnel. Nous espérons que tous les fournisseurs en accepteront le principe.

Proposition 7 : visibilité du prix sur 12 mois

Cette proposition est en effet importante pour sécuriser le consommateur qui souscrit une offre de marché, au minimum en l’informant clairement des modalités d’évolution des prix, lorsqu’une telle évolution est prévue à la souscription. Sinon, nous attendons des fournisseurs qu’ils respectent leurs engagements contractuels. La proposition de mise en place d’un niveau plafond de prix semble également être une avancée intéressante, s’il est envisagé qu’elle ne concerne pas seulement les offres à tarification dynamique.

Proposition 8 : En cas d’évolution des prix en cours de contrat, le fournisseur s’engage à présenter l’impact sur la facture annuelle du client Nous sommes favorables à cette proposition dans la mesure où elle concerne les seules modifications prévues à l’article L. 224-10 du Code de la consommation, mais nous nous interrogeons toutefois sur la méthodologie utilisée. Enfin, il conviendrait que l’impact sur les prélèvements mensuels soit également présenté.

Proposition 9 : Respect de l’engagement sur le prix

Il n’y a pas lieu de présenter une telle proposition, dans la mesure où le respect de l’engagement du fournisseur sur le prix est une règle de droit.

Proposition 10 : Pour les consommateurs dont les paiements sont mensualisés, si les données de consommation ou les évolutions du prix en cours de contrat permettent d’anticiper un montant de régularisation de la facture annuelle dépassant un certain seuil, le fournisseur s’engage à proposer un échéancier de paiement révisé au consommateur.

Cette proposition est vraiment de nature à répondre aux graves difficultés rencontrées en raison de la flambée des prix de l’énergie pour leur facture de régularisation. A notre sens, une augmentation imprévue de 15% devrait déclencher l’alerte et la proposition d’une révision de l’échéancier. Nous pensons également que même à moins de 60 jours de la date prévisionnelle de la facture de régularisation, il conviendrait que le fournisseur au minimum alerte le client sur cette augmentation qui majorera sa facture.

Proposition 11 : le fournisseur s’engage à fournir à tout moment au client qui en fait la demande le prix de son offre, par exemple, sur son « espace client » en ligne.

Cette proposition nous surprend dans la mesure où le fournisseur a déjà une obligation d’information et un devoir de conseil vis-à-vis de son client.

Proposition 12 : Lorsqu’un client déjà sous contrat avec un fournisseur le sollicite pour modifier son offre, ce dernier s’engage à l’orienter vers l’offre de son catalogue correspondant le mieux à son profil de consommation, notamment si ce profil a évolué depuis le moment de la souscription du contrat en cours. Si le client dispose d’un contrat à d’une durée supérieure à 3 ans ou à durée indéterminée, le fournisseur s’engage à proposer cette orientation au moins tous les 3 ans.

Il paraît surprenant de demander aux fournisseurs de s’engager sur le fait d’orienter le client vers l’offre la mieux adaptée à son profil de consommation lorsqu’il en fait la demande ! Cela nous semble être aller de soi, du fait du devoir de conseil auquel est soumis tout fournisseur, et ce à tout moment de la vie du contrat. En ce qui concerne la démarche du fournisseur vers son client, pour l’orienter au mieux, nous nous référons au guide de bonnes pratiques du MNE qui propose une démarche annuelle. Cela nous semble beaucoup plus adapté qu’un contact tous les 3 ans.

Proposition 13 : Le fournisseur s’engage à mettre à disposition de ses clients, par exemple via leur espace personnalisé, une application mobile ou leur facture, les informations sur sa consommation qui peuvent lui être utiles pour adapter ses usages et maîtriser sa facture.

La mention de ces informations visant à inciter les consommateurs à moins et mieux consommer nous semble utile. Cependant, nous tenons à rappeler que le choix du support appartient in fine au client, comme le prévoit l’article L 224-12 du code de la consommation. Nous sommes attachés à ce que le client puisse disposer de ses informations utiles sur « un support « papier », il faut tenir en effet tenir compte du fait que le taux d’illectronisme en France est encore de 16%, et que 37% de la population se dit peu à l’aise pour faire des démarches sur Internet. Ces notions sont très régulièrement mentionnées dans les rapports de la Défenseure des Droits.

Proposition 14 : si le fournisseur souhaite renouveler, tacitement ou non, un contrat à son échéance, il s’engage à envoyer au client une proposition de renouvellement avec un préavis de deux mois. Cette proposition présente l’évolution du prix et de la facture annuelle résultant de l’application du nouveau contrat par rapport au prix et à la facture annuelle du contrat en vigueur, l’impact.

Le fournisseur s’engage à présenter au consommateur l’offre de son catalogue correspondant le mieux à son profil de consommation, en particulier si ce profil a évolué depuis le moment de la souscription du contrat en cours.

A cette occasion, le fournisseur s’engage à présenter la formule d’évolution du prix au cours des douze premiers mois du contrat renouvelé ou, à défaut, un plafond de prix sur cette période.

Le préavis de 2 mois permet au consommateur de comparer l’offre proposée par le fournisseur à d’autres, il dispose d’un délai suffisant pour ce faire.

Il importe que la méthodologie retenue, quelle qu’elle soit, soit identique pour tous les fournisseurs, dans un souci de bonne comparabilité des offres. Il conviendrait que le consommateur bénéficie d’une présentation mentionnant l’évolution annuelle, mais aussi mensuelle.

Proposition 15 : Obligation d’information en fin de contrat

Cette information nous semble tout à fait pertinente et adaptée, le préavis de 2 mois est suffisant pour permettre au consommateur d’évaluer sa situation et de se doter d’un contrat en temps utile.

ADEIC – AFOC – ALLDC – AUE – CNAFAL – CNAFC – CNL – CSF – Familles de France – Familles Rurales
Indecosa-CGT – UNAF

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