Linky, le compteur communicant provoque de la controverse.
Le compteur Linky suscite de nombreuses controverses en matière de sauvegarde des données personnelles ou de santé. Des questions surgissent, notamment celle de la possibilité ou non d’en refuser l’installation. Si une partie de l’opinion publique à une vision très tranchée et si Indecosa-CGT demeure très critique, restons ici factuels.
Qui est propriétaire du compteur électrique ?
Les compteurs, y compris le Linky, ne vous appartiennent pas. Ils sont régis par l’article 6-2 des conditions générales de vente d’EDF qui précise que « le dispositif de comptage est fourni et posé par ERDF. Il fait partie du domaine concédé ». L’article 6-3 précise que « le dispositif de comptage est entretenu, vérifié et renouvelé par ERDF ».
EDF parle de domaine concédé car le compteur n’est pas la propriété de sa filiale ERDF, mais appartient aux collectivités locales. Néanmoins, celles-ci ayant concédé le service public de distribution d’électricité à ERDF sur 95 % du territoire, les compteurs relèvent de son entière responsabilité. Sur les 5 % du territoire restants, ce sont les entreprises locales de distribution qui en ont la charge.
Le contrat de concession incluant la gestion des compteurs et les missions de comptage, le client n’est théoriquement pas en mesure de s’opposer à l’installation du nouveau compteur.
Le tribunal de grande instance (TGI) de Tours, dans son ordonnance du 30 juillet 2019, rappelle qu’il existe une obligation pour les clients de laisser Enedis [nouveau nom de ERDF depuis le 31 mai 2016, ndlr] procéder au remplacement du compteur, conformément aux dispositions de l’article R. 341-4 du Code de l’énergie. Le TGI de Nanterre, le 2 août 2019, a également affirmé qu’il « n’existe pas de liberté de choix du consommateur de refuser cet appareil », le contexte législatif et réglementaire s’appliquant autant aux usagers qu’à Enedis. Dans cette affaire, le tribunal a débouté 457 requérants.
Et si la commune a voté contre la pose des compteurs Linky ?
Soucieuses de l’émoi suscité dans une partie de la population, des communes ont voté contre l’installation des compteurs Linky sur leur territoire. Ainsi, certaines dispositions votées en conseil municipal appellent à refuser la pose du compteur.
Mais c’est loin d’être simple. En effet, très souvent les communes ont transféré la compétence du réseau électrique à leur intercommunalité, à leur métropole ou à un syndicat local de l’énergie. C’est cette autorité qui gère la concession de service public. Les communes s’étant retirées de leur compétence au profit d’une autorité organisatrice, le vote du conseil municipal peut avoir une portée symbolique, mais il n’a pas de valeur juridique réelle.
Le maire peut-il interdire les compteurs Linky ?
Le maire pourrait faire valoir son pouvoir de police en prenant un arrêté municipal d’interdiction, mais cela suppose un risque grave ou imminent.
Malgré tout, les tribunaux n’ont pas semblé aller dans ce sens, au motif qu’il existe des autorités compétentes sur le sujet et qu’elles n’ont rien décelé de particulier.
Le Conseil d’État a tranché en expliquant qu’il existe déjà une autorité de police spéciale dont dépendraient les compteurs. Il s’agit de la police de la compatibilité électromagnétique de tous les équipements électriques, régie par le décret du 27 août 2015, pouvoir qui est dévolu à l’État. Par conséquent, le maire ne peut pas prendre de décision dans ce domaine. Le principe de précaution de l’article 5 de la charte de l’environnement n’est donc pas invocable puisqu’il ne permet pas à une autorité d’excéder ses pouvoirs. Ni le pouvoir de police du maire ni le principe de précaution ne permet au maire de prendre un tel arrêté, qui a été annulé par le Conseil d’État. Le pourvoi de la commune a donc été rejeté.
Le refus pour raison médicale : les EHS
Plusieurs personnes sont venues contester l’installation d’un compteur Linky chez elles, en raison de leur hypersensibilité aux ondes, dans le cadre d’action conjointe. Les tribunaux sont très partagés sur la recevabilité de cet argument :
– Le TGI de Toulouse, dans une ordonnance en date du 12 mars 2019, a demandé à Enedis de n’installer aucun appareil dans le domicile des requérants ou à l’extérieur, de délivrer une électricité sans CPL et de rétablir le courant. Le 20 mars, ce même TGI, dans une autre ordonnance, exigeait que l’électricité ne soit pas distribuée avec un CPL à ces personnes.
– Le TGI de Tours a ordonné le retrait des compteurs Linky pour les personnes électro-hypersensibles, dans une décision du 30 juillet 2019. Il ne s’agissait alors que de 13 cas sur les 121 requérants.
– Le TGI de Bordeaux, dans son ordonnance du 23 avril 2019, a lui exigé que soient installés des filtres contre les champs électromagnétiques au point de livraison où vivent les personnes électro-hypersensibles.
– Enfin, d’autres tribunaux ont refusé de prendre en compte ces éléments, estimant que, malgré la production de documents, les études restent réticentes à reconnaître un lien entre les symptômes des consommateurs et le compteur (TGI de Caen, ordonnance du 4 avril 2019, TGI de Nanterre ordonnance du 2 août 2019).
Quelles conséquences à terme si on refuse le compteur Linky ?
Dans l’immédiat, aucune. Enedis a 35 millions de compteurs à poser et ne va sans doute pas perdre de temps pour tenter de convaincre les récalcitrants.
Dans l’avenir, c’est différent. Toutes les opérations se faisant à distance avec Linky, les déplacements pour les relevés de compteurs qui auraient dû être changés pourraient être facturés au client. Et le jour où l’ancien compteur tombera en panne, l’intervention se soldera par la pose… d’un compteur communicant !
Le 10 avril 2019, une proposition de loi a été déposée par le député André Chassaigne visant à la création d’une commission d’enquête sur les conséquences du programme d’installation des compteurs Linky. Elle aurait pour objectif de répondre aux interrogations soulevées sur le plan sanitaire, à celles relatives aux conséquences de l’installation sur les factures et les répercussions sociales, sur la vie privée, sur la maîtrise publique de l’énergie, et elle pourra formuler des recommandations pour suspendre, poursuivre ou modifier les modalités du déploiement. À ce jour, cette proposition de bon sens n’a pas eu l’écho escompté et nous restons dans le flou…
Pour Indecosa CGT
Arnaud Faucon
Article paru dans le journal des retraités CGT “Vie Nouvelle” N° 228 de mars-avril 2022.