Alimentation

La SNANC enfin éditée

Publié le 7 avril 2025

Stratégie nationale pour
l’alimentation, la nutrition
et le climat 2025/2030

 

Une SNANC qui se faisait attendre

La Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) est prévue par la loi Climat n°1104-2021, dans la continuité des recommandations de la Convention Citoyenne pour le Climat. La loi exigeait une publication de la SNANC pour juillet 2023. Pour son élaboration, le gouvernement avait chargé début 2023 le Conseil national de l’alimentation (CNA) et le Haut conseil de santé publique (HCSP) de lui remettre leur avis pour l’élaboration de la SNANC.

Membres de la société civile, nous nous sommes largement mobilisés cette même année, transmettant au gouvernement 13 recommandations prioritaires et multipliant les communications publiques, dont une lettre ouverte signée par 105 organisations. Ces contributions convergent très largement avec celles du CNA et du HCSP et avec les rapports récents de France Stratégie et du Haut Conseil pour le Climat, également sur la future SNANC. Toutes insistaient sur la nécessité :

• d’améliorer la cohérence entre les programmes portant sur l’alimentation émanant des différents ministères ;
• de transformer l’offre et les environnements alimentaires plutôt que de faire reposer le fardeau du changement sur le consommateur, en prenant des mesures incitatives et contraignantes à l’égard des acteurs économiques (industriels, distributeurs, restaurateurs) ;
• de faire évoluer les régimes alimentaires vers “moins mais mieux” de produits d’origine animale, et davantage d’aliments végétaux de qualité (fruits et légumes, légumineuses, fruits à coque, produits céréaliers complets).

Finalement annoncée à l’occasion du Salon International de l’agriculture en 2025 et désormais mise en consultation, la première mouture de la SNANC compile 82 actions au service de 20 objectifs, ainsi que 7 objectifs chiffrés pour 2030 et 15 actions phares dont la mise en œuvre est prévue dans les prochains mois.

Un progrès pour la mise en oeuvre d’une politique de l’alimentation

Globalement, les thématiques et les objectifs de la SNANC correspondent dans les grandes lignes aux recommandations de la société civile, ce que nous saluons.
La Stratégie marque un réel progrès vers la définition et la mise en œuvre d’une politique de l’alimentation qui nécessite une approche interministérielle, pour tenir compte de l’ensemble des enjeux écologiques, de santé, agricoles et sociaux qu’elle soulève. Elle présente l’intérêt de mobiliser des leviers qui dépassent les seuls dispositifs d’information et de sensibilisation du consommateur : des mesures qui visent le changement de l’offre et de nos environnements alimentaires pour les rendre plus favorables à la santé et à la durabilité, ciblant les industriels, les distributeurs et le secteur de la restauration hors-foyer.

Des mesures majeures, soutenues par l’opinion publique, à ré-intégrer et renforcer pour une SNANC à la hauteur de sa promesse

Pour autant, des mesures centrales sont absentes ou trop timorées pour une stratégie à la hauteur des enjeux auxquels elle s’attaque.
Par comparaison avec une version antérieure, le texte mis en consultation ce mois d’avril a été amputé d’une mesure centrale et prioritaire, à savoir l’Action n°31 visant à “Réduire efficacement l’exposition des enfants et des adolescents aux publicités et parrainages pour des produits trop gras, sucrés, salés, sur les différents médias (traditionnels et numériques) par un renforcement à terme du cadre réglementaire”, suite à un arbitrage de Matignon. Un choix qui contraste avec la décision du gouvernement britannique d’interdire la publicité pour la malbouffe sur internet et à la télévision en journée à compter du 1er octobre 2025.

Par ailleurs, cette stratégie ne réussit pas à proposer des mesures et objectifs qui servent tout autant la visée d’une plus juste rémunération des agriculteurs et agricultrices que l’accessibilité à une alimentation saine et durable pour toutes et tous. Elle en est pourtant l’opportunité, à condition de poser l’objectif d’une meilleure transparence des prix, d’encadrer davantage les distributeurs, les industriels et les restaurateurs pour que ceux-ci proposent davantage de produits de qualité issus de filières locales, responsables et durables ; de mobiliser davantage de leviers pour garantir des débouchés pour les agriculteurs et les agricultrices engagées dans des modes de production durables, à travers la restauration collective mais aussi commerciale, et les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) etc ; de renforcer une volonté de mieux répartir la valeur tout au long de la chaine, en lien avec les dispositifs des lois EGAlim.

Enfin, alors que cette stratégie est cruciale pour accompagner au mieux l’évolution de nos systèmes alimentaires vers le “moins et mieux de produits animaux”, les objectifs chiffrés de réduction de la consommation de viande ont été supprimés. Ce revirement est très problématique car seuls des objectifs chiffrés permettent de fixer une trajectoire, de déployer des moyens et des mesures pour la suivre et de procéder à une évaluation de l’atteinte des résultats. En l’état, le texte renvoie de façon floue aux objectifs de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui ne sont pas non plus chiffrés.

Les attentes des territoires et des citoyens sont pourtant fortes pour ces mesures, pour une SNANC ambitieuse et suivie des faits. En témoigne la Déclaration des Assises territoriales de Montpellier en décembre 2024 et plus récemment un baromètre réalisé par Toluna Harris Interactive :
• 83% des Français sont favorables à l’interdiction de la publicité pour les produits alimentaires les plus nocifs pour la santé et la planète ;
• 90% des Français sont favorables à une obligation pour les distributeurs de limiter leurs marges sur les fruits et légumes et les produits biologiques ;
• 78% des Français sont favorables à une aide financière pour les ménages modestes pour pouvoir acheter des aliments bons pour la santé ;
• 85% des Français sont favorables à des campagnes encourageant à consommer moins de viande et à avoir une alimentation plus végétale ;
• 87% des Français sont favorables à un étiquetage environnemental sur les emballages des produits alimentaires, qui affiche une note sur les impacts écologiques et indique le mode d’élevage.

Pour répondre à ces attentes, il est indispensable de renforcer la capacité de cette Stratégie à atteindre les objectifs fixés  dont une partie gagnerait à être précisée, rehaussée et dotée d’indicateurs de suivi pour en évaluer la progression.
D’une part, la majorité des mesures mentionnées dans le document sont de nature incitative, ce qui pose question sur leur efficacité étant donné les résultats très modestes des dispositifs de type “auto-régulation” ou “engagements volontaires” mis en œuvre lors des dernières décennies.
D’autre part, un nombre élevé de mesures pose la question des moyens économiques, institutionnels, législatifs et réglementaires qui seront véritablement consentis, afin de produire des effets.

 

 

Une fois la SNANC publiée, ses dispositions devront ensuite être déclinées à travers les prochains programmes nationaux nutrition-santé (PNNS 5) et d’alimentation (PNA 4) à l’horizon 2030. D’ici là, ce projet de SNANC doit par ailleurs faire l’objet d’un avis de la part de plusieurs instances, dont les conseils nationaux de l’alimentation (CNA) et de la transition écologique (CNTE).

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Actus 

Pièces-jointes :
Projet-SNANC-Ministere-agriculture-4-avril-2025.pdf Télécharger
Decryptage_SNANC_58_associations_4-avril-2025.pdf Télécharger

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