Consommation

Le juge de la consommation

Publié le 5 décembre 2023

Tout nous concerne, tout est « contrat »
et qui dit « contrat » dit possible différend.

Les litiges de consommation sont par définition d’une gamme étendue, quasi infinie. Alors pour certains dossiers, l’enjeu financier sera tel que le concours d’un avocat vous sera indispensable. Indecosa-CGT orientera systématiquement vers ce professionnel du droit.

Les litiges de « consommation »

Ce sont tous ces contrats, à l’enjeu souvent plus modeste mais multiples que nous souscrivons. Ceux qui jalonnent notre vie quotidienne : notre contrat de location, nos contrats d’énergie, nos contrats d’achats (de plus en plus souscrit « en ligne »), nos relations avec notre banquier, notre assureur, nos contrats de transport…. Et tant d’autres encore…

Tous ces contrats ont évidemment un socle commun, le code civil qui pose les bases du droit des obligations. Mais ils doivent respecter également des textes particuliers. Et à chacun ses règles. Le code de la consommation fournira un autre socle quand les parties sont entre professionnels et particuliers, mais d’autres codes plus spéciaux encore seront mobilisés : code des assurances, code monétaire et financier, code de l’énergie… voire des textes particuliers comme par exemple la loi du 6 juillet 1989 qui vient régir les relations entre bailleurs et locataires. Des textes, encore des textes, tant de textes….

Bon à savoir : face à cet « arsenal » de textes, il existe une « hiérarchie » pour nous aider à choisir. Ainsi, le texte spécial l’emportera toujours sur le texte général.

Quel tribunal sera compétent ?

Ce qu’il nous faut retenir, c’est que pour ces contrats, de droit privé, le tribunal compétent sera le tribunal judiciaire ou de proximité. Le tribunal de proximité est une chambre détachée du tribunal judiciaire. Il dépend donc du tribunal judiciaire mais se situe dans une autre commune. Peut-être que votre domicile dépend d’un tribunal de proximité (les anciens tribunaux d’instance).

Car les contrats de consommation ont cet avantage de vous permettre d’attirer la « compétence géographique » chez vous. Vous pouvez choisir le lieu de la livraison de la chose ou le lieu d’exécution de la prestation de service. Ce qui déroge au principe de toujours attaquer son adversaire sur ses terres.

Une exception notoire cependant, lorsque le litige porte sur un immeuble ! Il faut choisir le lieu de
l’immeuble. Cela vaudra pour les litiges de location immobilière.

C’est quoi un « petit litige » ?

Quand nous parlons « petits litiges », nous nous référons la plupart du temps à l’enjeu financier qu’ils représentent. Lancer une procédure, qui pourrait être longue et même coûteuse avec l’obligation de se faire assister d’un professionnel du droit, peut décourager. Peur du temps que ça prendra, de la complexité des démarches, peur de l’argent qu’il faudra y consacrer. Pourtant, nous avons des solutions.

Moins de 10.000 € d’enjeu, nous l’avons vu, il faut aller au tribunal judiciaire et la procédure sera orale, sans représentation obligatoire. Mais ce n’est pas un litige si petit que cela.

Pour évaluer ce qu’est précisément un petit litige, nous pourrions nous appuyer sur le code de procédure civile (article 34) qui définit un «taux de ressort». C’est à dire le montant au-delà duquel, il n’y aura pas d’appel possible. Si un jugement doit être rendu en « premier ressort », l’appel est ouvert. S’il est rendu en « dernier ressort », ça s’arrêtera là sauf à tenter une cassation, une tierce opposition. Mais par définition, le législateur considère qu’à moins de 5000 de litige, il n’est pas opportun d’encombrer les juridictions d’appel, que le coût pour la collectivité, pour le justiciable lui-même est disproportionné. Les voilà nos « petits litiges » : les moins de 5000 €. Autant dire un nombre considérable des contrats de consommation courante !

Un procédure simplifiée pour les petits litiges

Le code de procédure civile a cet avantage de faciliter la saisine du juge pour nos «petits litiges». Quand le mode de saisine est en principe d’assigner officiellement son adversaire en faisant intervenir un commissaire de justice (ex : huissier de justice), par exception, en deçà de 5000 €, une simple requête peut suffire.

Des formulaires Cerfa sont à votre disposition sur le site www.justice.fr, accompagnés d’explications très claires. Et puis n’hésitez pas à solliciter votre association Indecosa CGT locale pour un accompagnement à la rédaction si vous en ressentez la nécessité. Les bénévoles veilleront à ce que vous fassiez les démarches dans les temps impartis et en joignant bien toutes les preuves.

D’ailleurs, le seul concours de votre association n’est pas exclu pour vos différendsde plus de 5000 € car une  association de consommateurs ne s’interdira pas d’intervenir pour favoriser une négociation, un accord amiable. Mais quand rien n’y fait et qu’une procédure s’impose, tout le dossier constitué sera confié à l’avocat. Sans interférence, Indecosa CGT passera la main. Non sans vous rappeler que votre  assurance « protection juridique » peut vous aider à financer le concours d’un professionnel du droit ou des expertises, la plupart du temps. Nous pourrons vérifier ensemble la souscription effective d’une telle garantie (parfois vous en disposez sans vous en souvenir.. les contrats d’assurance ne brillent pas toujours par leur simplicité). Nous vérifierons le champ d’intervention et le niveau de garanties. Car tout est question de « contrat », à chacun le sien.

A quel juge s’adresser pour nos petits litiges ?

Ces litiges qui n’auront pas trouvé de solution négociée acceptable, seront de la compétence du tribunal judiciaire ou de la chambre de proximité, nous l’avons vu. Tout litige qui n’aura pas été spécifiquement attribué à une autre juridiction, sera de sa compétence. Certaines attributions du Président du Tribunal Judiciaire peuvent être déléguées. Mais peu importe en vérité, car si d’aventure vous deviez vous trompez de « destinataire », au sein du tribunal, votre requête ne sera pas pour autant écartée, elle sera redirigée vers le juge compétent dans le ressort.

Parmi ces juges que nous trouverons au sein du Tribunal Judiciaire, un juge (il peut y en avoir plusieurs, mais il y en a au moins un dans chaque tribunal judiciaire et dans chaque tribunal de proximité) sera un précieux interlocuteur pour une association de consommateurs :

Le juge des contentieux de la protection (le JCP)

Le voilà, notre « juge de la consommation ». Créé par la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme de la justice, c’est un juge unique spécialisé dans la protection des parties faibles. La procédure est adaptée pour être plus souple, plus accessible. Pas besoin d’un avocat devant lui, par exemple. Si on y regarde de près, il reprend les compétences spéciales qui étaient attribuées auparavant au juge d’instance. Les petits litiges seront de sa compétence.

Il reprend également la compétence de l’ancien tribunal d’instance en droit de la consommation. Le code d’organisation Judiciaire ( article L 213-4-5) lui confie en effet les actions relatives à l’application du « chapitre II du titre 1er du livre III du code de la consommation ». C’est à dire ?

Le JCP a des compétences exclusives

Il est de sa compétence exclusive de connaître des litiges liés aux crédit à la consommation. Peu importe le montant des sommes en jeu cette fois. Car avec un crédit à la consommation, on dépasse vite les 5000 € et même les 10000 €.
L’emprunteur est ici la « partie faible » puisqu’il ne maîtrise pas le sujet comme la banque ou à l’organisme financier qui lui a accordé un crédit. C’est normal, ce sont des professionnels. La location avec option d’achat (LOA) a le vent en poupe en ce moment ? On nous en parle midi et soir pour nous inciter à lâcher notre véhicule thermique pour un véhicule électrique, grâce à lui. Mais la LOA est un crédit à la consommation, avec ses avantages et ses inconvénients. Si le nombre des contrats souscrits s’envole, nul doute que le niveau de litiges suivra la tendance avec une hausse des consultations au sein des permanences « consommation » de l’association.

Le saviez-vous ? On parlera de crédit à la consommation pour un emprunt de 200 € à 75.000 € d’une durée de remboursement supérieure à 3 mois.

C’est également le JCP qui sera le juge du surendettement. C’est avec lui qu’il faudra compter pour parler des mesures de traitement voire des mesures de rétablissement personnel. Il est également le juge du fichier des incidents de paiement, c’est lui qu’il convient de saisir pour une action relative à une inscription ou une radiation.

Autre compétence d’attribution exclusive du JCP, et au combien importante pour une association de consommateurs : c’est lui le juge des baux immobiliers. Il est en charge des litiges nés à l’occasion de rapports locatifs. Cela vaut que le bailleur soit privé ou social.

Attention ! le JCP a vu sa marge de manœuvre réduite cet été. Il pouvait accorder des délais « même d’office », si vous étiez en impayés de loyers et menacés d’expulsion par exemple, il ne peut plus ! Il pourra « à la demande du locataire», il vous faudra être là. Rapprochez-vous de votre association, ne restez pas seuls.

Les contrats de location privés sont réglementés par la loi du 6 juillet 1989, d’ordre public. Et il conviendra d’être très vigilants sur ce point aussi. Vous ne pourrez agir que dans des temps impartis, et en matière locative, le délai général de prescription est de trois ans. Mais cette loi spéciale prévoit, pour de nombreuses actions (qu’il s’agisse de demandes en diminution de loyers, de contestation d’augmentation etc….) des dispositions particulières. Il n’est pas rare de trouver dans le texte des démarches impératives de mise en demeure du bailleur, et de saisine en amont (avant le juge ) de la commission départementale de conciliation des rapports locatifs de votre département. Si vous ne le faites pas, vous risquez la forclusion ou l’irrecevabilité…. Rapprochez-vous de votre association de consommateurs, elle vous guidera.

Tentative obligatoire de résolution amiable, le retour !

Et pour conclure, la matière immobilière n’est pas la seule à exiger ce préalable consistant à tenter une conciliation avant de pouvoir saisir le juge compétent.
Depuis le 1er octobre 2023, cela concerne ( de nouveau) nos « petits litiges », ceux qui ne dépassent pas 5000 € et certains litiges spécifiques (décret n°2023-357 du 11 mai 2023). A défaut de tenter la conciliation, le juge peut prononcer l’irrecevabilité de votre demande, et ce d’office. Mais des exceptions sont prévues, notamment lorsque saisir un conciliateur de justice est une vraie galère, quand les délais sont trop longs. Ce point particulier a été précisé par le nouveau décret ( le texte précédent avait fait l’objet d’un recours constitutionnel). Au-delà de trois mois de délai, l’indisponibilité du conciliateur, pour vous aider à tenter une résolution amiable, sera établie (article 750-1 du code de procédure civile nouveau ). Vous pourrez saisir le juge compétent sans plus attendre.

Consom’Info N°85 / 04 décembre 2023 /Fiche d’information / Le juge de la consommation

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