1. Editorial
Lorsque retenti le scandale ORPEA, une partie de la population française découvre avec un grand étonnement les conditions de vie de nos aînés, dans certaines maisons de retraites privées qui s’avèrent plus préoccupées par la rentabilité que par la quiétude des résidents.
Pour INDECOSA-CGT le phénomène est loin d’être nouveau et si le groupe incriminé a poussé à son paroxysme le cynisme de frais de séjours hors de prix pour un service rendu quasi nul, il n’en demeure pas moins que c’est la partie immergée de l’Iceberg. En effet, c’est un vrai débat de société dont nous avons besoin sur la question EHPAD tous statuts confondus. Il faut dire que dans la société Française actuelle le phénomène du vieillissement n’est guère vendeur et excepté l’embellie éphémère sur la question de la « silver économie » rien n’a vraiment bougé. Pourtant depuis le gouvernement Raffarin, ce qui ne date pas d’hier, on nous avait affirmé, la main sur le cœur, que les choses allaient changer. Les milliards de la journée de solidarité retirés sur les feuilles de paie des salariés allaient remettre tout d’aplomb. Aujourd’hui on a beau se creuser la tête on ne voit rien ou quasiment rien de nouveau.
Pour INDECOSA-CGT si l’emballement médiatico-politique sur la question est salvateur, attention à ne pas priver les Français d’un débat nécessaire à la veille des présidentielles et des législatives.
En effet, il faudra assurément faire toute la lumière sur l’ensemble des problèmes et repenser la gouvernance de ces établissements pour une vrai démocratie.
Pour INDECOSA-CGT
Lucien HISLAIRE, Membre du collectif santé.
2. Témoignage en EHPAD à la suite du scandale d’ORPEA.
Emmanuelle Comte, aide-soignante, membre du collectif santé d’INDECOSA-CGT et membre du CA national nous fait part de son ressenti.
Bonjour Emmanuelle merci de nous accorder ces quelques minutes d’échanges.
Peux-tu nous dire ton sentiment après ce scandale retentissant ?
Pour ma part les EHPAD ont évolué depuis 30 ans vers un business sur les personnes âgées : le business de « l’or gris ».
Auparavant les établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes étaient publics ou associatifs à but non lucratif.
La fédération hospitalière de France avait pourtant alerté en janvier 2018 sur la baisse historique de moyens dédiés à ce type d’établissements du secteur public. Il en a été tout autrement du secteur privé qui a été à l’affut d’un marché potentiel. Celui-ci prospère encore avec l’appui de mesures gouvernementales.
Selon toi, pourquoi en est-on arrivé à cette recherche du profit ?
Certaines collectivités ont lâché la gestion des EHPAD publics ou associatifs en supprimant leur subvention. Quant au budget attribué par l’État il a baissé considérablement.
Les rachats de certains EHPAD publics ou associatifs par des grands groupes privés comme « Orpea »,
« Korian » ou « Domusvi » ont entrainé des conséquences parfois très graves sur l’usager.
Ces groupes font du profit et fonctionnent à but lucratif. L’Aspect humain n’est pas leur priorité même si parfois ils utilisent les labels comme « humanitude » pour se donner bonne conscience !
Quel inconvénients et conséquences sur les usagers ?
Les usagers payent davantage le prix de journées dans le secteur privé et souvent la qualité des services rendus n’est pas de mise comme pour les repas et les activités ludiques… Les plaintes contre le groupe « Orpéa » récemment le démontrent.
La maltraitance se met en place progressivement. Quand on parle de maltraitance ce n’est pas le fait que les soignants frappent les personnes âgées mais ce sont des séries de gestes non calculés qui se mettent en place en raison de la rapidité d’exécution des tâches et au manque d’effectif …
Nourrir une personne en 5 minutes, ne pas répondre à une sonnette sous prétexte que la personne a une protection, initialement prévue, pour durer plus de 7h d’affilés avant d’être saturée. Ceci est inacceptable et bien souvent cela répond aux injonctions de la hiérarchie qui demande aux soignants d’aller « mollo » sur le nombre de protections !!! sur le nombre de gants jetables aussi !!!
Le groupe incriminé attribuait pour les repas par jour et par patient un budget de 4 euros.
C’est intolérable quand on connait le prix à payer pour un résident dont les frais de séjour commencent à 3000 euros / mois et peuvent s’étendre pour certaine maison jusqu’à 8000 euros !!!
Qu’elles devraient être les premières mesures à prendre ?
Il faut une reprise par l’État des établissements privés pour rouvrir des établissements publics et associatifs à but non lucratif afin que les prix soient acceptables et que les Agences Régionales de Santé puissent exercer de vraies inspections sur les établissements.
Mettre en place :
– Des comités d’usagers comme dans le secteur hospitalier, car actuellement il n’existe que des conseils représentés par les familles des résidents qui la plupart du temps n’osent pas remonter les problèmes de peur que leurs parents subissent des représailles.
Ces comités d’usagers permettraient à une association comme INDECOSA-CGT de relever les plaintes, d’accompagner les familles, d’avoir un œil sur les tarifs, l’organisation et regarder au plus près si la dignité des patients est respectée. Ceci dans le but d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées au sein des établissements.
– Un Conseil de Vie Social dans chaque EHPAD : Portée et limites de l’organisme.
La création d’un CVS* est obligatoire dans les maisons de retraite médicalisées. Il doit être consulté sur le fonctionnement de la structure. Après le rapport accablant sur la gestion d’ORPEA, on est en droit de se demander si ce lieu-dit « démocratique » est suffisamment efficace ?
3. Fonctionnement du Conseil de Vie Social (CVS)
Au conseil on y retrouve des résidents, des membres de la famille, d’autres résidents qui ont été désignés, le personnel, la ou le responsable de l’établissement, une infirmière…
Le Conseil se réuni environ deux fois par an. Au cours de ces réunions on y trouve une présentation du fonctionnement de la structure, les éventuels mouvements de personnels, le degré d’autonomie du site, les résultats d’enquêtes de satisfaction… Un procès-verbal est établi et théoriquement il est adressé aux familles des résidents.
Le champ de compétences des membres est variable : On discute des repas, du traitement du linge, des différentes animations proposées, de l’équipement médical à disposition, des projets de travaux, de l’entretien des locaux…Si tous ces sujets peuvent être abordés, il semble que c’est la direction seule qui procède aux arbitrages. Un avis non suivi du CVS doit simplement faire l’objet d’une justification avérée ou pas.
Bien que le conseil permette aux familles d’avoir un droit de regard sur ce qui se passe dans l’établissement, d’interpeller leurs dirigeants sur ce qu’elles observent de négatif ou d’insuffisant, cela reste très théorique et la plupart du temps il est bien difficile de mobiliser les familles de tous les résidents. Deux arguments sont évoqués comme la peur de « représailles » pour les parents hébergés ou encore la montée de « l’individualisme » au détriment de l’intérêt général.
Si le représentant des familles est censé faire le lien entre les familles de résidents et la direction, dénouer les situations tendues ou faire remonter les difficultés ressenties… son rôle reste tributaire de l’interprétation qui en est faite par la direction des établissements.
Nous l’avons vu avec les différentes affaires qui secouent régulièrement le monde des EHPAD, il faut donner les moyens aux représentants des familles d’exercer une véritable vigilance. C’est d’autant plus nécessaire que bon nombre de personnes âgées en EHPAD sont dépendantes et la frontière avec la maltraitance est mince à partir du moment où la personne ne peut exprimer ses choix et ses douleurs.
Pour INDECOSA-CGT il est essentiel de permettre aux associations qui disposent de l’agrément santé de pouvoir être reconnues comme entité morale représentative dans les CVS.
Pour INDECOSA-CGT
Arnaud FAUCON, secrétaire national, animateur du collectif santé
La sentinelle de la santé N°8 le 14 mars 2022 – INDECOSA-CGT