AlimentationConsommation

L’Agriculture en crise

Publié le 5 février 2024

Le Réseau Environnement Santé soutient le modèle agroécologique qui est le seul modèle d’agriculture protecteur du vivant et de la santé des paysans et des citoyens garantissant à terme notre capacité à produire. Pour pouvoir changer de modèle, il faut d’abord remédier aux difficultés rencontrées par la profession agricole. 

L’actualité met enfin l’agriculture au centre des discussions. Ça montait… Il était temps. La situation de la plupart des paysans en conventionnel comme en bio est insupportable : rémunération inexistante ou très faible, endettement, conditions de travail déplorables, épuisement, sentiment de mépris, isolement.

Le monde agricole n’est pas seulement en souffrance, il subit une véritable violence.

Selon la MSA, la sécurité sociale agricole, on recense 31% de suicides en plus chez les agriculteurs que dans le reste de la population.

En France, nous sommes passés de 2,3 millions d’exploitations en 1955 à moins de 400 000 aujourd’hui. Cette concentration des biens et des moyens, encouragée par la mondialisation et un modèle industriel qui vise à maximiser les rendements et la production, a entraîné chez les exploitants de la compétition de l’endettement, une surcharge de travail, de l’isolement et, au fond, une forme d’aliénation.

Le RES soutient les demandes des paysans de toutes les filières d’une rémunération juste ! Il est inconcevable que 18% des paysans vivent sous le seuil de pauvreté, et que beaucoup ne puissent vivre que grâce aux emplois non agricoles de leurs conjoints.  

Rémunération des paysans et normes environnementales ne s‘opposent pas !

Il est possible de produire dans le respect de l’environnement, comme en témoignent les scénarios agroécologiques élaborés par les scientifiques de l’IDDRI et l’INRAE. Les paysans doivent être bien rémunérés et soutenus dans cette démarche qu’on ne peut plus collectivement remettre à plus tard, plutôt qu’être mise en concurrence.

Au cœur de la crise actuelle, la question du salaire des agriculteurs et des agricultrices est centrale. Dans un communiqué, la Confédération paysanne a appelé à ce que les paysans soient mieux rémunérés : « Ce n’est pas en demandant à pouvoir détruire des haies, en instrumentalisant le sujet des jachères, en éludant la question du partage équitable des terres et de l’eau, en négociant des avantages pour la production d’agrocarburants, que nous résoudrons en profondeur les problématiques de notre métier de paysan », argue-t-elle. Au contraire, c’est en s’attaquant aux règles du jeu néolibéral que les paysans pourront enfin respirer.

Le RES plaide pour une réorientation des subventions de la politique agricole commune (PAC), donc pour une révision rapide du PSN (Plan stratégique national) pour accompagner les agricultrices et agriculteurs dans la transition agricole. Mais au-delà des agriculteurs, l’évolution doit concerner l’ensemble du système alimentaire : les filières aval (transformateurs, distributeurs) et aussi le consommateur.

Il ne faut pas se tromper de cible et garder le cap de la transition écologique !

Il va falloir qu’on s’adapte à produire avec moins d’eau et qu’on accepte de réfléchir à de meilleurs usages de l’eau. Il va falloir qu’on réduise l’usage des produits phytosanitaires qui font de la gestion de la qualité de l’eau potable un gouffre financier pour les collectivités locales (et donc les contribuables). Les agriculteurs en sont les premières victimes : actuellement, selon une estimation de l’IGAS, environ 10 000 maladies de Parkinson et plus de 2000 lymphomes sont liés aux pesticides, sans compter les autres pathologies listées par le rapport de l’INSERM de 2021. On produira de moins en moins avec une biodiversité effondrée, des sols morts (une majorité des sols agricoles sont détériorés), et des pollinisateurs décimés. La transition écologique n’est pas une option, elle est une nécessité, comme le prouvent les études scientifiques qui s’accumulent sans être suffisamment prises en compte…

Dans un rapport publié le 25 janvier, le Haut Conseil pour le climat (HCC) a souligné que les scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050 étaient ceux qui développaient l’agriculture biologique et l’agroécologie sur au moins 50% de la surface agricole : « L’agroécologie est plus large que juste l’agriculture biologique. On parle de diversification des cultures, de plantation d’arbres et de haies qui fournissent de l’ombrage aux troupeaux, qui protègent les cultures des températures élevées en plus de stocker du carbone… » précise Corinne Le Quéré, présidente du HCC. Pour développer ces pratiques, le HCC insiste : il faut davantage de financement.

La Sécurité sociale de l’alimentation permet de s’extraire de l’agro-industrie.

Les enjeux du modèle agricole rejoignent ceux du pouvoir d’achat des consommateurs qui s’érode de mois en mois. Au-delà de la réflexion nécessaire sur les marges perçues par les intermédiaires de la transformation et de la distribution et face à l’urgence de permettre aux gens de se nourrir correctement et avec des produits sains, des initiatives émergent et sont prometteuses, comme la mise en place de la sécurité sociale de l’alimentation.

Concrètement, les promoteurs de la sécurité sociale de l’alimentation proposent la sanctuarisation d’un budget pour l’alimentation d’au moins 150€ par mois et par personne, intégrée dans le régime général de Sécurité sociale. Ce budget devra être établi par des cotisations garantes du fonctionnement démocratique de caisses locales de conventionnement. Chacune de ces caisses, gérées par les cotisants, aurait pour mission d’établir et de faire respecter les règles de production, de transformation et de mise sur le marché de la nourriture choisie par les cotisants.

L’alimentation est un enjeu de santé. 

Le RES soutient l’agriculture biologique accessible à tous, ancrée dans nos territoires, en s’appuyant sur les études de BioNutrinet produites depuis 2017. Celles-ci démontrent la nocivité de la présence de résidus de pesticides dans notre alimentation : augmentation du risque d’obésité favorisant les maladies chroniques dégénératives (maladies cardio-vasculaires et cancers) chez les consommateurs non-bio par rapport aux consommateurs bio, augmentation du risque de cancer dont le lymphome non-hoggkinien (LNH). Des études toxicologiques convergent avec ces résultats. La femme enceinte et le jeune enfant sont particulièrement vulnérables aux polluants : la généralisation de l’agroécologie est donc un impératif de justice sociale.

La santé ne peut être classée comme une « priorité négative  » (selon la formule de l’ancien Président Juncker).

Les propositions du Réseau Environnement Santé :  BIO, LOCAL et Diversifié

  • Transition agricole : changer le modèle agricole industriel fondé sur la chimie et la concentration des richesses aux dépens des producteurs et des consommateurs.
  • Changer la PAC afin de favoriser l’installation et l’accès au foncier d’agriculteurs plus nombreux engagés dans les modèles agroécologiques, respectueux du vivant et biologique, le mode de production aujourd’hui le plus protecteur de la santé des citoyens et paysans.
  • Pour les droits des paysans à exercer leur métier sans concurrence déloyale, pour protéger le vivant. Il est primordial de mettre fin aux accords de libre-échange : arrêt définitif des négociations de l’accord de libre-échange UE-Mercosur, moratoire sur tous les autres accords commerciaux en négociation et réexamen de tous les accords en vigueur.
  • Transition alimentaire : encadrer les pratiques toxiques des industries agro-alimentaires.
  • Donner une mission de prévention à notre système de santé pour faire de l’assurance-maladie une assurance-santé. La santé environnementale doit devenir le deuxième pilier de la santé publique.
  • Donner une mission de prévention à notre système éducatif : Formation et sensibilisation des enseignants et des élèves.
  • Faciliter l’accessibilité à une alimentation saine et durable par la mise en place de dispositifs comme la Sécurité Sociale de l’alimentation.

« Nourrir tous les Français – y compris les plus pauvres – avec une alimentation de qualité, contribuer par un juste échange à nourrir 10 milliards d’êtres humains à l’horizon 2050. Prendre soin de notre santé et, par là même, de celle de l’eau, de l’air, du sol et de la biodiversité. Prendre soin de notre terre afin qu’elle demeure nourricière. Une seule terre, une seule santé ! »

Indeccosa CGT est membre du RES.

image_pdfimage_print

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *