Indecosa CGT soutien la lutte des agriculteurs
La réalité du monde paysan est dramatique : 200 fermes disparaissent chaque semaine, 2 agriculteurs se suicident par jour, 1/3 d’entre eux vit en dessous du seuil de pauvreté, ils travaillent 60 à 70 heures par jour, 45 % des agriculteurs vont partir à la retraite dans les 10 prochaines années. Ils sont pressurisés par les banques et les prêts consentis, le couteau sous la gorge pour faire vivre leur exploitation. Au bout de la chaîne la grande distribution gonfle ses profits. Le producteur de lait vend le litre 0,40 €. Le consommateur l’achète 3 fois plus cher au Leclerc du coin. Au milieu, Lactalis se goinfre en ayant cumulé 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022.
Si les agriculteurs sont en colère c’est surtout parce qu’ils n’arrivent plus à vivre de leur travail. En un an les prix agricoles ont dévissé de 10 % selon les statistiques de l’INSEE de décembre 2023. L’Institut la Boétie note : Entre le dernier trimestre 2000 et le premier trimestre 2023, le taux de marge du secteur avait bondi de 28 % à 48 % soit une augmentation de 71 %. Bien loin du simple rattrapage décrit par le gouvernement. Dans le même temps, les prix alimentaires ont augmenté d’environ 8 %, ce qui prouve que tout le monde n’a pas été logé à la même enseigne.
Ce conflit est mené par le syndicat majoritaire de la FNSEA, les jeunes agriculteurs, la coordination rurale mais aussi par la confédération paysanne, le Modef, ainsi que la CGT. Celle-ci est organisée dans l’agro-industrie où travaillent des milliers de salariés agricoles. Ces salariés précarisés et smicardisés représentent 40% de la valeur de la production agricole et produisent 80% des produits alimentaires transformés et consommés.
Les revendications de la FNSEA, dont le président est un grand patron de l’agroalimentaire qui défend le modèle productiviste, portent essentiellement sur :
Une hausse de la rémunération ; Le paiement de toutes les aides PAC (politique agricole commune européenne) immédiatement quelles que soient les raisons du non-paiement ; Assurer un respect absolu des lois Egalim de 2018 et 2021 sur le partage de la valeur entre acteurs de la chaîne alimentaire française ; paiement dans les plus brefs délais de l’ensemble des indemnisations sanitaires et climatiques dues par l’Etat et leur défiscalisation ; Une compensation pour le GNR (gazole non routier) carburant utilisé dans les tracteurs ; Un allègement des normes notamment environnementales, dont les règles relatives à l’utilisation des phytosanitaires et aux prélèvements d’eau…
Mais la CGT, La confédération paysanne, le Modef s’ils sont d’accord avec certaines de ces revendications ne les partagent pas toutes.
Particulièrement sur la réduction des normes. Il y a certes des normes absurdes qu’il faut supprimer mais les réglementations sont au contraire des protections pour la santé des paysans, des salariés, des saisonniers. Supprimer toutes les normes va au contraire dans le sens d’une plus grande libéralisation. Supprimer les normes c’est laisser le champ encore plus libre à une concurrence de tous contre tous. Le réel problème est le revenu paysan, pas l’existence de normes.
Il faut mettre fin à la dérive du système agricole qui met en concurrence les agriculteurs entre eux, du local à l’international, avec une PAC qui a échoué en n’accompagnant que les grands propriétaires. Les difficultés des paysans sont en partie liées aux traités de libre-échange qui organisent une concurrence déloyale et abiment la planète. Il faut stopper définitivement le projet d’accord UE-Mercosur, mettre en place un moratoire sur tous les autres accords commerciaux en négociation, et un réexamen de tous les accords en vigueur. Comment le gouvernement peut-il parler de souveraineté nationale tout en ratifiant un accord de libéralisation du commerce entre l’Union Européenne et la Nouvelle-Zélande ?
En parallèle, l’extrême droite instrumentalise les difficultés des agriculteurs(trices), en leur faisant croire à une solution protectionniste via un repli nationaliste, antihumaniste et excluant. L’extrême droite n’est pas du côté des travailleurs(es) de la terre et de l’avancées des droits sociaux. Leur majorité au parlement européen a voté favorablement l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle Zélande.
Il faut une loi interdisant l’achat de nos produits agricoles en dessous de leur prix de revient. Comme en Espagne où l’instauration des prix plancher a prouvé sa pertinence et son efficacité.
Les lois dites « Egalim » avaient pour objectif de mieux rémunérer les agriculteurs, en rééquilibrant les relations commerciales avec les industriels et les distributeurs. En réalité, les agriculteurs n’ont aucun poids face aux monstres de l’agroalimentaire (les Lactalis, Nestlé, Danone, LDC, Bigard, etc.) et aux géants à la grande distribution (Leclerc, Carrefour, Intermarché, Système U et Auchan) qui imposent leur prix. Il est temps de revenir à une application stricte de ces lois afin de protéger une juste rémunération du travail des agriculteurs.
Il faut stopper les importations de denrées alimentaires traitées avec des produits phytosanitaires interdits en France.
Pour ce qui est de la rémunération des salariés de l’agro-industrie la CGT demande en urgence de prendre des décisions fortes en faveur de l’augmentation générale des salaires, des minima sociaux, du Smic et du pouvoir d’achat. Pour cela elle propose 10 mesures phares, comme alternatives.
Les enjeux auxquels sont confrontés les secteurs agricoles et alimentaires sont posés en termes de souveraineté alimentaire, de santé publique, d’environnement et de sauvegarde des ressources naturelles, de dérèglements climatiques, d’aménagement du territoire, de qualité des produits, du maintien des capacités agricoles et alimentaires. Pour répondre à ces enjeux ce n’est pas quelques mesurettes qui vont calmer la colère des agriculteurs et des salariés agricoles.
Indecosa CGT soutien et partage les revendications qui permettront de redonner vie à une agriculture orientée vers les réels besoins des consommateurs et qui permette aux agriculteurs de vivre dignement.
Gérard Casolari – Secrétaire national en charge de la thématique alimentation.
31 janvier 2024