Expert·es en santé publique, scientifiques, associations de consommateurs et d’usagers, représentantes de parents d’élèves ou encore défendant le climat et l’accès à une alimentation plus saine et durable s’allient avec foodwatch pour exiger la fin du marketing et de la publicité qui ciblent les enfants pour les aliments trop gras, trop sucrés, trop salés. Face à ce front uni et au soutien des plus de 50 000 signataires de notre pétition, autorités et parlementaires ne peuvent plus se cacher derrière les promesses des industriels. Sur les bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat comme dans les rangs du gouvernement, il est l’heure de l’action politique pour, enfin, et véritablement, protéger les enfants de l’impact délétère de ces pratiques.
Tribune publiée le 28/10/2023 sur le site du Monde
Le marketing et la publicité qui ciblent les enfants pour les produits trop sucrés, trop gras ou trop salés posent un réel problème de santé publique, mais le gouvernement se contente en ce domaine des promesses des industriels, déplore, dans une tribune au “Monde”, un collectif de scientifiques et de responsables associatifs.
Être le pays de la gastronomie ne protège pas la France de l’épidémie mondiale d’obésité. Sourd aux appels répétés d’encadrer le marketing de la malbouffe qui cible les enfants, le gouvernement s’est contenté ces dernières années de faire confiance aux promesses des industriels de limiter l’exposition des plus jeunes aux produits trop gras, trop sucrés, trop salés. Grave erreur.
Aujourd’hui en France, la situation n’est plus tenable : 17 % des enfants et adolescents sont en surpoids ou en situation d’obésité et 50 à 70 % d’entre eux le resteront à l’âge adulte. Or, on le sait, surpoids et obésité augmentent les risques de maladies cardio-vasculaires, de diabète de type 2, de syndrome du foie gras et même les risques de cancer. Un enfant sur six est un futur malade, c’est presque écrit.
Alors que faire ? Il faut mettre fin au matraquage publicitaire des industriels de la malbouffe sur nos enfants. Les experts – Santé publique France, Inserm, Haut conseil de la santé publique, Cour des comptes, et même Unicef – sont unanimes : au-delà des campagnes de sensibilisation et messages du type « manger, bouger », il est indispensable d’attaquer le mal à la racine pour protéger les plus jeunes de cette surexposition actuelle, en encadrant le marketing et la publicité qui ciblent les enfants pour les produits trop sucrés, trop gras ou trop salés.
Cette proposition n’est pas nouvelle mais a été trop longtemps mise sous le tapis. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) alerte depuis une dizaine d’années : « L’obésité infantile et le marketing des produits peu sains font partie des sujets de préoccupation majeurs, le marketing digital pour ces produits est un nouveau défi de santé publique contre lequel il faut lutter d’urgence ».
En France, à contre-courant de ces recommandations claires, le gouvernement – comme les précédents – a refusé à au moins cinq reprises d’agir ces dernières années alors que cet encadrement était possible dans la loi EGAlim (2018), dans plusieurs propositions parlementaires sur l’alimentation industrielle ou la malbouffe, dans la Réforme de l’audiovisuel publique (2020), dans la loi Climat et résilience (2021) et récemment dans la loi encadrant les dérives des influenceurs (2023). Pendant que nos dirigeants s’en remettent aux engagements volontaires des industriels qui ne répondent absolument pas à l’urgence de santé publique, et malgré les nombreuses alertes et propositions formulées par les associations de consommateurs, nos enfants grandissent dans un environnement obésogène. Et leurs parents ne peuvent en aucun cas tout contrôler et porter seuls la responsabilité face à la multiplication des canaux médiatiques et à l’explosion des réseaux sociaux. La pression marketing s’est considérablement accrue avec l’apparition de techniques d’influence non conscientes de mieux en mieux affûtées.
Alors que le temps passé par les plus jeunes devant leurs écrans augmente d’année en année, les marques alimentaires usent de nombreux stratagèmes pour vendre de la malbouffe : placement de produits dans des jeux vidéo, concours sur TikTok, recours à des influenceuses et influenceurs, création d’applications, jeux-concours, partenariats, sponsoring, personnages de dessins animés sur les emballages, etc.
Or les jeunes n’ont pas la maturité cognitive pour contrer ces messages, bien rôdés et sournois ; difficile pour eux de résister à ce matraquage qui les mène inéluctablement à de mauvaises habitudes alimentaires.
Pour les industriels, un consommateur acquis au plus jeune âge n’a pas de prix. Faire confiance aux fabricants pour s’autoréguler est une folie. La preuve : dans sa dernière enquête, foodwatch démontre que 86% des 228 produits analysés ciblant les enfants contiennent trop de sucre, de gras et/ou de sel selon les critères de l’OMS. Ces produits sont pourtant commercialisés pour les enfants par des marques ayant signé la charte EU Pledge dans laquelle elles s’engagent à limiter l’exposition des enfants au marketing alimentaire. D’après Santé Publique France, la majorité des publicités alimentaires visionnées par les enfants sont pour des produits ayant un Nutri-Score D ou E.
Le coût économique du laisser-faire est lui aussi considérable. L’impact sociétal de la surcharge pondérale était estimé par le Trésor public en 2012 à plus de 20 milliards d’euros par an. Il a certainement enflé depuis lors.
Depuis 2010, l’OMS Europe appelle les gouvernements à légiférer pour limiter l’exposition des plus jeunes au marketing et à la publicité alimentaires. La Norvège (2023) et le Royaume-Uni (2018) ont adopté une réglementation qui répond à cette urgence de santé publique. L’Allemagne, l’Espagne et la Finlande travaillent également à une législation en ce sens.
La France est à la traîne. En cette rentrée 2023, le gouvernement et les parlementaires doivent se ressaisir et enfin clairement interdire le marketing et la publicité de la malbouffe qui ciblent les enfants.
Tribune cosignée dans Le Monde le 28/10/2023
LISTE DES SIGNATAIRES (par ordre alphabétique) :
- Amazouz, Hélène, Chercheuse en épidémiologie, Inserm
- Autard Jean, Administrateur, Association WWOOF France
- Basset Bernard, Médecin expert en santé publique et président, Addictions France
- Blanc Jean-Louis, Secrétaire Général Adjoint, en charge des dossiers agroalimentaires, ADEIC – Union Laïque et Citoyenne des Consommateurs (ULCC)
- Baudier François, Président, Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé
- Belkiri Jamy, Présidente du Pôle consommation, Familles de France
- Berterreix Sandrine, Membre du comité de pilotage, Alliance Santé Planétaire
- Boulongne Evelyne, Porte-Parole, Mouvement Inter-Régional des AMAP
- Brohan Guylaine, Présidente, Familles rurales
- Cicolella André, Réseau Environnement Santé
- Claveirole Cécile, Responsable des questions agricoles et alimentaires, France Nature Environnement (FNE)
- Clément Jean-Louis, Co-président en charge du plaidoyer, Union des Groupements des Épiceries Sociales et Solidaires (UGESS)
- Courbet Didier, Professeur des Universités et chercheur à l’IMSIC (Aix-Marseille)
- Cousin Marie, Co-présidente, Résistance à l’Agression publicitaire
- Delcroix Michel-Henri, Professeur Gynécologue-Obstétricien, Président, Association Périnatalité, Prévention Recherche Information, Maternité sans tabac
- Ensel Grégoire, Président, Fédération des Conseils de Parents d’Elèves (FCPE)
- Friand-Perrod Marine, Maître de conférences HDR. Laboratoire Droit et changement social, Université de Nantes
- Fossard Renaud, Délégué général, Communication et démocratie
- Gérard Raymond, Président, France Assos Santé
- Gomez Conchita, Sage-femme, Présidente, Association Nationale des Sages-Femmes Tabacologues
- Hercberg Serge, Professeur Emérite de Nutrition Université Sorbonne Paris Nord, Équipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle (EREN)
- Jacquemart Karine, Directrice générale, foodwatch France
- Joly Anne-Sophie, Présidente, Collectif National des Associations d’Obèse (CNAO)
- Khalifa Christian, Président, INDECOSA-CGT
- Kien Julien, Président, Bioconsom’acteurs
- Koraich Aicha, Présidente, Action contre la Faim
- Lagae Marc, Président, Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs
- Lauverjat Nadine, Déléguée générale, Générations futures
- Lechat Lucas, Co-président, Résistance à l’Agression publicitaire
- Le Gallic Gilliane, Présidente, Alofa Tuvalu
- Mairie Corinne, Diététicienne-Nutritionniste, Association Santé Environnement France
- Mano Jean-Yves, Président, Consommation Logement Cadre de vie (CLCV)
- Nizri Daniel, Président, Ligue contre le Cancer
- Pacheff Tania, Nutritionniste spécialisée en santé environnementale, Cantine sans Plastique France
- Payen de la Garanderie, Marie, Doctorante, EREN, Université Sorbonne Paris Nord
- Peneau Sandrine, Professeure des Universités, Université Sorbonne Paris Nord
- Peureux Florimond, Président, Observatoire national des alimentations végétales (ONAV)
- Pontroué Karine, Fondatrice, Collectif je suis Infirmière Puéricultrice
- Quirion Philippe, Président, Réseau Action Climat (RAC)
- Rodrigues Manuel, Président, Société française du Cancer
- Rousset David, Secrétaire général, Association Force Ouvrière Consommateurs (AFOC)
- Roux Bastien, Directeur général, Fédération Française des Diabétiques
- Sarroca Marion, Directrice adjointe, Ligue nationale contre l’Obésité
- Stévenin Marie-Amandine, Présidente, UFC-Que Choisir
- Taisne Anne-Françoise, Déléguée générale, Comité Français pour la Solidarité Internationale
- Tavernier Boris, Délégué général, VRAC France
- Tirot Antoine, Chargé de mission Économie / Consommation / Environnement, Confédération Syndicale des Familles
- Touvier Mathilde, Directrice de l’Équipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle (EREN-CRESS), Inserm / Inrae / Universités Sorbonne Paris Nord et Paris Cité / Cnam
- Vernet Françoise, Présidente, Terre & Humanisme
- Verzotti Nicolas, Paysan maraîcher et vice-président, Réseau CIVAM
- Yvroud Hoyos Paola, Médecin validateur des événements de santé au sein de la cohorte NUTRINET SANTÉ, INSERM – EREN